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Au Space, les acteurs de la méthanisation partagés sur l’avenir du secteur

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Depuis l’annonce de la nouvelle Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), en avril 2020, les tarifs d’achat du biométhane injecté ont été revus à la baisse. Si cette évolution a déjà commencé à influencer l’avenir de la filière, les avis sont partagés quant aux bienfaits de cette nouvelle réglementation. Réactions au Space, à Rennes.

Le stand d’Engie lors du Space de Rennes. - © D.R.
Le stand d’Engie lors du Space de Rennes. - © D.R.

La période d’essor de la filière méthanisation est-elle révolue ? « Les conditions tarifaires, moins intéressantes qu’avant, refroidissent les banques. Nous dénombrons moins de projets. Nous l’avons vu sur le Space : les agriculteurs intéressés étaient beaucoup moins nombreux que les autres années. » Pour Gary Lucarelli, chargé d’étude chez Aile, qui accompagne des porteurs de projets de méthanisation, était présent lors de ce salon, qui s’est tenu du 14 au 17 septembre à Rennes. Selon lui, l’ambition de la nouvelle Programmation pluriannuelle de l’énergie, PPE, ne sera pas évidente à atteindre. Elle doit porter la part du gaz renouvelable dans la consommation totale de gaz en France à 7 % d’ici à 2030. Parmi les raisons du scepticisme de Gary Lucarelli : la réduction des tarifs d’achat du biométhane injecté prévue dans la PPE, adoptée en avril 2020.

Alors que le secteur était en plein boum, avec la mise en service de 91 nouveaux sites d’injection de biométhane dans le réseau gazier en 2020, le décret a changé la donne. Une tendance qui s’est ressentie dans les discours des exposants du hall énergie et environnement du Space.

Un avenir incertain pour toute la filière

Néanmoins, les constructeurs de méthaniseurs relativisent. « C’est vrai que le contexte est plus flou, admet un chargé d’affaires méthanisation chez Evalor, responsable d’une cinquantaine d’unités. Mais le secteur garde un gros potentiel, des exploitations s’agrandissent, le réseau de gaz se développe, et la méthanisation conserve sa rentabilité ! » Pour certains, les nouveaux tarifs pourraient même être un gage de pérennisation de la filière. « Réduire les tarifs d’achat permettra de rendre les installations moins chères à terme, c’est une bonne chose », explique Vincent Dubois, responsable contrat chez Engie Bioz, développeur exploitant de projets de méthanisation. En effet, pour continuer à vendre des unités moins rentables du fait de cette baisse de prix, les constructeurs pourraient être poussés à innover, et proposer des installations moins couteuses. Pour Xavier Haentjens, ingénieur commercial chez Biogaz Planet France, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions : « Nous sommes en pleine phase transitoire. »

L’autoconsommation de biométhane, une solution à petite échelle

Toutefois, pour les installations dédiées principalement à une autoconsommation, les nouvelles règles n’impriment pas de réel changement, et n’ont donc pas d’impact significativement négatif. Une solution à développer ? Le ministère de la Transition écologique a annoncé le 17 mai 2021, la publication d’un décret prévoyant un appel à projets qui concernerait notamment ce type d’installations. Lesquelles bénéficieraient alors d’un complément de rémunération.

L’augmentation des distances méthaniseur-habitations, peu perceptible

Les décrets tarifaires de 2020 ne sont pas les seuls défis auxquels doit faire face la filière. Le 12 mai 2021, Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, a annoncé que les installations de méthanisation devraient se trouver à 100 ou 200 mètres minimum des habitations, en fonction de leur taille d’ici à 2023, au lieu de 50 mètres.  Pour la plupart des acteurs interrogés, les 200 mètres imposés sont déjà respectés pour les projets mis en place. Cette nouvelle distance imposée n’a causé l’annulation que d’un projet, parmi les exposants rencontrés par Référence agro au Space.

La concurrence alimentaire, un « faux problème » ?

Le secteur doit aussi composer avec le débat actuel sur la concurrence alimentaire, notamment avec l’utilisation du maïs ensilage. Son emploi, pourtant limité à 15 % de la composition totale des cuves, est parfois critiqué par les défenseurs d’une méthanisation circulaire. Pour les exposants, tout est une question d’équilibre. « Les projets doivent être encore plus rentables pour attirer les banques, le but n’est pas d’aller à l’encontre de la viabilité des exploitations, ni de mener des projets incohérents », résume Gary Lucarelli. Il ajoute que l’autonomie alimentaire est à réfléchir localement, et pas uniquement à l’échelle d’une exploitation. Pour Xavier Haentjens, c’est un faux problème. « Il ne faut pas se tromper de cible. Tout est une question de bon équilibre. Il est beaucoup plus simple de blâmer les cultures énergétiques, que de travailler sur le fond du problème de l’alimentation humaine, malheureusement. »