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Céréales, l’équilibre mondial demeure dépendant de la Mer Noire

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À l’occasion d’une conférence de presse organisée le 30 août, le cabinet d’analyse Agritel a établi un premier bilan de campagne et dressé une analyse des marchés mondiaux. La mer Noire, et sa capacité à exporter, conserve un rôle prépondérant dans l’équilibre alimentaire mondial.

Céréales, l’équilibre mondial demeure dépendant de la Mer Noire
Céréales, l’équilibre mondial demeure dépendant de la Mer Noire

« La récolte française de maïs s’annonce être la pire du XXIème siècle », a indiqué Nathan Cordier, analyste d’Agritel, à l’occasion d’une conférence de presse le 30 août. Le cabinet d’analyse organisait un point de bilan sur les moissons, et présentait ses perspectives pour les échanges mondiaux à venir. La récolte de maïs devrait atteindre seulement 10,8 Mt en France, et 53,8 Mt en Europe, le niveau le plus bas depuis 15 ans.

Une récolte de blé très hétérogène

La récolte de blé est, elle aussi, décevante, avec des rendements à 71,5 q/ha, en dessous de la moyenne décennale de 73 q/ha. La production atteindrait, selon les estimations d’Agritel, 33,6 Mt. Mais surtout, cette récolte aura été marquée par de fortes disparités, entre les régions du Sud-Ouest où les rendements ont été catastrophiques, et celles du Nord du pays, où des records de rendements ont été atteints. « Nous constatons cependant une dilution de la protéine dans les zones où les rendements ont été exceptionnels, pointe Nathan Cordier. Un quart de la récolte française n’atteint pas 11 % de protéines, la norme pour le marché international. » Mais, compte tenu de la faible récolte de maïs, la demande en alimentation animale locale pourrait se tourner vers ce blé à 10,5 %, et la Chine est également en demande de blé fourrager.

Un rationnement dans les exportations de blé

L’export de blé français est particulièrement dynamique, avec déjà 2,5 Mt chargées en juillet et en août à destination du Maroc et de l’Algérie, soit 25 % du potentiel d’export annuel, estimé à 10,2 Mt par Agritel. En temps normal, les chargements n’atteignent que 14 % à la fin de l’été. Des demandes émanent de l’Afrique subsaharienne, du Yémen et du Pakistan, des pays habituellement clients de la mer Noire. « La France aura besoin d’un rationnement, qui se fera par le prix, estime Nathan Cordier. Le blé français doit bénéficier d’une prime par rapport à la mer Noire ». Le stock final pour la France estimé par Agritel serait à un niveau particulièrement bas : 2,2 Mt.

Plus de 100 Mt de stock pour la Russie

Sur le marché mondial, « la clé de l’équilibre mondial se situe en mer Noire », estime l’analyste. Les productions de blé des cinq grands exportateurs (1), hors pays de la mer Noire, ne suffiront pas à combler le marché, et ce malgré les excellents résultats du Canada et de l’Australie. La Russie s’illustre par une récolte record de 95 Mt, et dispose d’un stock de 108 Mt. La récolte ukrainienne a considérablement baissé, passant de 33 Mt l’année dernière à 19,6 Mt, mais ses stocks sont élevés, à 4 Mt contre environ 1,5 Mt ces cinq dernières années.

Agritel a réalisé une estimation du disponible réellement exportable à l’échelle mondiale. « Si l’Ukraine et la Russie parviennent à exporter au maximum, cela couvrira tout juste les besoins mondiaux, estimés à 201,26 Mt », indique Nathan Cordier. Mais si les exportations des pays de la Mer Noire sont entravées, cela pourrait conduire à un manque de disponibilités et faire, à nouveau, monter les prix. Si la Russie a progressivement repris ses exportations, elles demeurent en recul de 17 % en juillet et août.

1 Mt de céréales chargées en Ukraine depuis début août

Depuis la restauration des corridors maritimes depuis l’Ukraine, le marché s’est rassuré. L’Ukraine pourrait exporter 12 Mt de blé, contre 18,1 Mt en moyenne ces cinq dernières années. La Russie pourrait exporter 42 Mt, contre 36,6 Mt en moyenne. En Ukraine, 250 000 t de blé et 750 000 t de maïs ont été chargées depuis début août dans les trois ports en eau profonde remis en service. Depuis le début du conflit, près de 10 Mt de céréales ont pu quitter l’Ukraine, entre autres par voie fluviale et terrestre. Mais les exportations sont encore insuffisantes pour restaurer la trésorerie des agriculteurs ukrainiens, qui doivent semer le blé dès le mois de septembre. « La situation mondiale reste très dépendante des exportations de blé ukrainiennes et russes », conclut Nathan Cordier.

(1) Union européenne, Etats-Unis, Australie, Canada, Argentine