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10 questions que soulève (encore) la séparation du conseil et de la vente

Le | Cooperatives-negoces

Depuis la parution de l’ordonnance du 24 avril 2019, le dossier de la séparation du conseil et de la vente des produits phytosanitaires avance… doucement. L’heure du choix approche alors que la crise du Covid-19 a, logiquement pendant plusieurs mois, mis au second plan ce dossier dans bon nombre de structures. Vente ou conseil ? Au 31 décembre 2020, il faudra avoir opté pour l’une ou l’autre de ces deux activités. À six mois de l’échéance, le nombre d’interrogations reste important. Référence-Agro en a retenu dix.

10 questions que soulève (encore) la séparation du conseil et de la vente
10 questions que soulève (encore) la séparation du conseil et de la vente

1- Quand seront connus les textes définitifs ?

Les textes définitifs, précisant la définition des conseils stratégique et spécifique d’une part, et regroupant les référentiels des agréments (distributeur ou conseil) d’autre part, devraient être publiés d’ici au mois de septembre. Même s’ils font encore l’objet de concertation entre le Gouvernement et la profession agricole, la finalisation de leur écriture semble proche. FNA et la Coopération Agricole ont désormais le document quasi définitif entre les mains. La parution de ces textes ne devrait, au final, pas apporter plus de détails par rapport à ce qui est déjà connu. En revanche, les guides de lecture devraient, eux, préciser les choses.

2- Quand seront publiés les guides de lecture d’application des textes ?

La publication des guides de lecture devrait suivre celle des textes définitifs. Ces guides s’avèrent capitaux pour identifier la limite à ne pas franchir entre ce que l’on peut considérer comme un échange informel, un accompagnement technique, une aide à la lecture d’une étiquette, une discussion de bout de champ, une diffusion de prescription ou un réel conseil spécifique. La frontière risque d’être mince. Mais elle devra être claire pour éviter toutes déviances involontaires.

3- Un report de l’entrée en vigueur de la loi est-il envisageable ?

La Coopération Agricole et la Fédération du Négoce Agricole ont, à plusieurs reprises ces derniers mois, sollicité un report d’un an, au 31 décembre 2021, pour l’entrée en vigueur de la séparation du conseil et de la vente des produits phytosanitaires. Le Gouvernement n’a, à aucun moment, répondu favorablement. Aujourd’hui, il semble qu’ « une période de transition de six mois soit envisagée », confirme François Gibon, futur délégué général de la FNA, dans l’écho du NACA du 18 juin.

4- Qui aura le dernier mot ? Le code rural ou le code du commerce ?

Une fois actée, la séparation du conseil et de la vente des produits phytosanitaires sera inscrite dans le code rural. Or le code du commerce précise pour sa part que toute vente doit s’accompagner d’un minimum d’informations pour une bonne utilisation du produit : autrement dit, le vendeur doit aider le client à bien lire l’étiquette ! Mais où s’arrêtera précisément ce conseil ? À la cible ? À la dose ? Aux consignes de sécurité ? À partir de quand cette information liée à la vente sera-t-elle considérée comme un conseil spécifique ? Tout se jouera dans le détail… de textes encore inconnus.

5- Les solutions de biocontrôle sont-elles concernées ?

D’un point de vue réglementaire, les solutions de biocontrôle sont des produits phytopharmaceutiques et à ce titre, sont concernées par la séparation du conseil et de la vente. À un bémol près : si ces solutions font l’objet d’une fiche CEPP, elles pourront quand même bénéficier du conseil lié à leur utilisation pour les entreprises qui auraient choisi la vente. Le souci, c’est que les spécialités de biocontrôle ne font pas toutes partie du dispositif CEPP, loin de là. Un constat qui risque de freiner le développement de ces substances, pourtant mises en avant comme des alternatives à l’usage des produits phytosanitaires « classiques ».

6- Quel avenir pour les groupes 30 000 ?

Ces derniers mois, de nombreuses entreprises se sont impliquées dans la mise en place de groupes 30 000 : VITIVISTA, les Ets Pissier, Suplisson, Martigon, Leplatre, Dupré Lardeau et Villemont pour ne citer qu’eux. Mais dès que la loi entrera en vigueur, les entreprises qui auront choisi la vente (la plupart des négoces) ne pourront plus animer de groupes 30 000, sauf ceux déjà existants. Une aberration pour bon nombre de professionnels puisque cette dynamique est précisément là pour accompagner les agriculteurs vers des pratiques plus vertueuses, en testant des systèmes qui permettent de réduire l’usage des produits phytosanitaires.

7- Qui prodiguera le conseil stratégique ?

Le conseil stratégique, obligatoire deux fois tous les cinq ans et formalisé par écrit, implique un diagnostic complet de l’exploitation et une stratégie globale de protection phytosanitaire (contrairement au conseil spécifique, non obligatoire, prodigué en cours de campagne). Qui pour le réaliser ? À quelques exceptions près, beaucoup de coopératives et la quasi majorité des négociants opteront pour la vente. La solution n’est donc pas à chercher de ce côté-là. Les conseillers privés ? Oui, bien sûr mais ils ne sont aujourd’hui pas assez nombreux (200 sont rattachés au Pôle du Conseil Indépendant en Agriculture) pour assurer la totalité de la tâche, même si les demandes se multiplient ces derniers mois auprès du PCIA. Les chambres d’agriculture ? Oui, vu qu’elles possèdent déjà l’agrément conseil indépendant. Mais les conseillers issus de ces structures seront-ils assez nombreux ? Pas sûr.

8- Quel avenir pour les CEPP ?

L’ordonnance pérennise le dispositif des Certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP), aujourd’hui encore en phase expérimentale. Les entreprises qui choisiront la vente pourront quand même faire du conseil pour les solutions faisant partie du dispositif CEPP. D’ailleurs, pour valider leur agrément vente, elles doivent avoir atteint certains objectifs en la matière. Le souci, c’est que le nombre de fiches actions est insuffisant et que rares sont les structures à avoir atteint leurs objectifs, fixés pour l’année 2020 à 60 % de ceux de 2021. La profession reconnait que le projet de texte sur les CEPP est beaucoup moins abouti et reste toujours sujet à de fortes discussions avec les pouvoirs publics. En attendant la publication des textes d’application, le flou persiste donc.

9- Quelles exploitations pourraient être exemptées de ce dispositif ?

La précédente version de l’arrêté précise que la délivrance du conseil n’est pas requise pour les exploitations « engagées, pour la totalité des surfaces d’exploitation, dans une démarche ou une pratique ayant des incidences favorables sur la réduction de l’usage et des impacts des produits phytopharmaceutiques ». Seraient donc concernées les fermes ayant la certification environnementale. Reste à savoir à quel niveau : 2, 3 (HVE) ? De même, concernant les exploitations bio ou en conversion, le monde agricole attend des précisions de la part de la DGAL. Par ailleurs, l’ordonnance précise que « le contenu du conseil stratégique est allégé et le délai entre deux conseils augmenté » pour les exploitations de « dimensions réduites ».

10- Sera-t-il possible de conserver les deux activités ?

Préserver les deux activités en tant que telles, non. Mais conserver un lien capitalistique, oui, à condition de respecter les règles imposées par l’ordonnance. Le chiffre à retenir ? 10. Une entreprise agréée pour la vente pourra détenir 10 % du capital d’une structure axée sur le conseil. Et inversement. Mais là encore, tant que les textes définitifs ne sont pas parus, peu de structures ont déjà entrepris de séparer leurs activités même si certaines confient y réfléchir.

Si vous vous posez d’autres questions, n’hésitez pas à me les soumettre a.gilet@terre-ecos.com. Je tenterai de vous aider à y répondre !