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Dominique Chargé, président de LCA, « Coût de l’énergie : nous sommes face à un mur infranchissable »

Le | Cooperatives-negoces

A la conférence de rentrée de La Coopération agricole, organisée le 21 septembre, son président, Dominique Chargé, n’y est pas allé par quatre chemins pour alerter sur les tensions dans le secteur agricole. Il craint des arrêts de production dus au prix de l’énergie, et demande un meilleur accompagnement des entreprises de l’agroalimentaire par les pouvoirs publics.

Dominique Chargé, président de La Coopération agricole (2e à g.) est revenu, le 21 septembre, lors d - © D.R.
Dominique Chargé, président de La Coopération agricole (2e à g.) est revenu, le 21 septembre, lors d - © D.R.

L’ambiance était lourde, rue Sedaine à Paris, lors de la conférence de rentrée de La Coopération agricole, le 21 septembre. « Je suis au regret de vous annoncer que depuis l’année dernière, la situation ne s’est pas arrangée. Elle s’est même dégradée, pose en introduction Dominique Chargé, le président de LCA. Au-delà des craintes sur notre capacité à investir, nous nous inquiétons également de notre capacité à pouvoir continuer notre activité. »

Des déficits liés aux coûts de l’énergie, difficilement absorbables

Sans surprise, le coût de l’énergie est en première ligne des préoccupations exprimées. « Nous sommes devant un mur infranchissable, assure Dominique Chargé. Sans changement, nous risquons des arrêts de production. Le déficit lié au prix de l’énergie ne pourra pas être absorbé par les entreprises. » D’ores et déjà, il anticipe des arbitrages sur l’arrêt de certaines lignes ou un moindre nombre de références produites. Pour illustrer les tensions, le président de LCA prend l’exemple d’une coopérative dont la facture énergétique est passé de 2 M€ en 2021 à 17 M€ en 2022, pour un résultat net de 5 M€. Face à cette situation, Dominique Chargé plaide pour que les coopératives soient exclues des demandes de rationnement de consommation d’énergie. Il souhaite également que les critères d’éligibilité, fixés au niveau européen, pour accéder aux aides de prises en charge de la facture énergétique soient revus. « Sur 3 milliards d’euros mobilisés, seuls 50 M€ ont été utilisés, car les critères sont inaccessibles, déplore Dominique Chargé, qui a fait part de la position de LCA au ministère de l’Économie, la semaine précédente. Il faut notamment avoir un EBE négatif, mais l’entreprise est déjà morte alors ! » Il demande également à ce que le taux de la facture énergétique sur le chiffre d’affaires soit descendu de 3 à 1 %.

Découpler les prix du gaz et de l’électricité

Pour alléger la tension sur le secteur du gaz, Dominique Chargé formule également le souhait d’un découplage des prix du gaz et de l’électricité. Selon le président de LCA, le ministre de l’Économie se serait engagé à porter ce sujet au niveau européen. « Nous ne pouvons pas faire d’arbitrages entre ces deux énergies aujourd’hui car les tarifs sont indexés l’un à l’autre, poursuit-il. Ce découplage permettrait de rééquilibrer notre mix énergétique, qui reposerait moins sur les besoins en gaz. » Dominique Chargé insiste également sur la nécessité de répercuter cette hausse de coûts sur l’aval et donc les consommateurs. Mis de côté par le Gouvernement, le chèque alimentaire pourrait permettre d’absorber une partie de cette inflation pour les ménages les plus défavorises, explique le président de LCA.

Pas d’azote pour tout le monde

Autre sujet inévitable du moment, celui de la disponibilité en matières premières, et notamment en engrais. « Il y a un vrai risque de pénurie. Il n’y aura pas d’azote pour tout le monde », pronostique Dominique Chargé. La situation est déjà difficile sur le terrain, certains opérateurs ayant fortement ralenti leur production d’ammoniac, dont le prix a été multiplié par trois en un an. En Europe, la production a été divisée par deux. « À nous aussi de mener des réflexions sur d’autres formes azotées, comme l’azote organique ou l’urée », glisse le président de LCA. Les quinze jours à venir devraient être déterminants pour y voir plus clair sur les arbitrages concernant les assolements de la prochaine campagne.

Plaidoyer pour un pacte de souveraineté alimentaire

« Nous sommes soumis à un changement de monde, poursuit Dominique Chargé. La chaîne d’approvisionnement a été bâtie dans un monde stable politiquement, économiquement et abondant en matière première, qui circulaient de manière fluide. Ce n’est plus le cas, un changement de paradigme s’impose. » Pour l’enclencher, le président de LCA plaide pour la mise en œuvre d’un pacte de souveraineté alimentaire entre les différents acteurs des filières alimentaires, les consommateurs et les pouvoirs publics. Ce dernier s’appuierait sur quatre piliers : l’orientation (de quoi avons-nous besoin ?), l’organisation (adaptation au marché), la planification, la rémunération. « Nous sommes prêts à y travailler », conclut Dominique Chargé. Il a présenté ce projet à Marc Fesneau, le ministre de l’Agriculture, et à Emmanuel Macron lors des Terres de Jim, début septembre.