Référence agro

Guillaume Gasc, Eureden, « Nous caractérisons notre offre en crédits carbone »

Le | Cooperatives-negoces

Après deux années de test sur les crédits carbone, la coopérative bretonne Eureden entend passer à la vitesse supérieure en mettant au point des outils digitaux et en allant chercher des acheteurs. Explications avec Guillaume Gasc, responsable innovation.

Guillaume Gasc, Eureden, « Nous caractérisons notre offre en crédits carbone »
Guillaume Gasc, Eureden, « Nous caractérisons notre offre en crédits carbone »

Référence agro : Où en est Eureden de la mise en place des crédits carbone ?

Guillaume Gasc : Depuis 2022, nous testons des outils pour le label bas-carbone en élevage et en grandes cultures : myeasycarbon, un outil de diagnostic de la société Myeasyfarm, ainsi que Cap2ER. Dix exploitations en grandes cultures et 50 en élevage ont réalisé un diagnostic complet.

R.A. : Quels sont les premiers résultats ?

G.G. : Les exploitations de grandes cultures ont moins de potentiel que celles en élevage. En Bretagne, avec les problématiques d’azote existantes qui ont conduit à la mise en place de la directive nitrates, les agriculteurs pratiquent déjà la fertilisation raisonnée qui évite l’usage d’engrais minéraux : apport d’engrais organiques, réduction du travail du sol, couverture des sols, diversification de l’assolement, etc. Par conséquent, les gains possibles d’économie de gaz à effet de serre sont moins importants : nous avons estimé le potentiel de réduction à environ 0,5 tonne de CO2 par hectare et par an en grandes cultures, alors qu’il s’élève à deux à trois tonnes dans d’autres régions de France. En élevage, où les exploitations sont plus émissives, la marge de progrès est, logiquement, plus élevée.

R.A. : Quels sont, selon vous, les leviers majeurs pour la décarbonation des pratiques ?

G.G. : En grandes cultures, 80 % du bilan carbone vient de la fertilisation azotée. Nous guettons l’arrivée des engrais bas carbone, à base d’hydrogène décarboné, d’ici à 2025-2026. En attendant, il faut poursuivre sur des pratiques alternatives. En élevage, les gains passeront par l’alimentation animale, avec du sourcing bas carbone, comme le soja non déforestant ou encore les blés bas carbone. Mais tout cela coûte plus cher. Il faut que les acheteurs soient capables de payer le bon prix.

R.A. : Quelle est la suite de votre démarche ?

G.G. : La prochaine étape est justement la recherche d’acheteurs. Nous n’avons pas encore répondu aux appels à projets de France carbone agri association, mais il pourrait y avoir un intérêt dès que nous aurons suffisamment d’agriculteurs partants. Nous sommes par ailleurs contactés par des start-up comme Rize, Sysfarm, Carbone FarmersCarbonApp pour des besoins ponctuels de 2000 à 5000 tonnes de carbone, avec un cahier des charges précis, parfois des types d’exploitations spécifiques. Nous devons encore recenser notre potentiel et caractériser notre offre en la matière.

R.A. : Comment allez-vous convaincre les agriculteurs de se lancer dans les crédits carbone ?

G.G. : Nous avons lancé mi-mai un diagnostic carbone simplifié sur notre extranet, MonEureden. En 15 à 20 minutes, l’agriculteur perçoit ses potentiels de diminution des gaz à effet de serre. C’est une première photo qui doit l’inciter à poursuivre la démarche à et contacter son conseiller. Nous espérons que cet outil sensibilisera un maximum d’agriculteur. Début juin, une trentaine d’agriculteurs s’étaient déjà connectés. Deux techniciens réalisent les diagnostics : c’est suffisant pour la demande actuelle. Nous verrons si les besoins augmentent en 2023/2024.

R.A. : Ces crédits carbone entrent dans une démarche plus globale de décarbonation de l’activité d’Eureden. Quelles sont les autres actions que vous menez ?

G.G. : Fin 2022, nous avons estimé les différentes actions du groupe permettant de réduire les gaz à effet de serre. Dans ce cadre, nous montons des projets de production de vapeur décarbonée, avec de la biomasse locale, sur nos sites de production de conserve. Nous tentons également de réduire l’utilisation de l’acier dans nos emballages de conserves, qui représentent 97 % des gaz à effet de serre de la conserve. Par ailleurs, trois camions roulant au 100 % biodiesel, B100, devraient arriver en juin. Nous allons aussi développer le ferroutage. Pour l’heure, nous livrons nos surgelés par cette voie sur la région lyonnaise. Eureden devrait utiliser une nouvelle ligne, reliant Rennes à Lille, ouverte en mars 2023.