Label bas carbone, la filière porcine déposera une méthodologie révisée en octobre
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Pour contribuer à la décarbonation de la filière porcine, l’Ifip a rédigé une méthodologie, pour que les éleveurs volontaires puissent être éligibles au label bas carbone. Les leviers listés dans la version révisée du document, qui sera déposée auprès du ministère de la Transition écologique en octobre, devrait permettre de réduire les émissions de l’ordre de 10 % et donner accès à une rémunération moyenne de 20 000 €/an. Mais l’incertitude autour du prix du carbone appelle à la prudence, ont expliqué plusieurs intervenants, lors d’une table ronde organisée le 14 septembre, au Space.
Pour respecter la trajectoire fixée par la Stratégie nationale bas carbone, SNBC, la filière porcine doit faire baisser ses émissions de 15 % d’ici à 2030 et de 46 % en 2050, par rapport à 2015. « Cette année là, nous avions déjà réduit nos émissions de 9 %, avant même la prise de conscience de cet enjeu, rappelle Gilles Fassot, administrateur Cooperl et référent carbone à La Coopération agricole. Nous avons les moyens de décarboner la filière. » Il s’exprimait à l’occasion d’une conférence organisé le 14 septembre au Space, par l’Institut du porc, Ifip. Les acteurs de la filière porcine cherchent à mieux valoriser et encourager les efforts sur le terrain.
Une méthodologie spécifique pour intégrer le label bas carbone est ainsi en cours de rédaction, pilotée par l’Ifip. Plusieurs coopératives font partie du comité de pilotage (Cooperl, Le Gouessant, Eureden). Après un premier dépôt en décembre 2021, des échanges ont lieu avec le ministère de la Transition écologique, pour ajuster son contenu. « Nous allons faire un nouveau dépôt en octobre, et nous espérons que la méthode sera validée début 2023, précise Annie Soulier, ingénieure environnement à l’Ifip. Le document sera ensuite mis en consultation publique pour trois semaines. »
Cinq domaines d’action
La méthode est découpée en cinq grandes familles de levier pouvant être activés :
- L’alimentation, en limitant l’impact environnemental des matières premières, via la valorisation des co-produits, le recours au local ; et en adaptant l’alimentation pour réduire la quantité d’azote excrétée (alimentation biphase et de précision, avec une basse teneur en protéines).
- La gestion des effluents (méthanisation, lisiothermie, lisier flottant, etc.).
- La gestion de l’air du bâtiment, pour agir notamment sur les émissions d’ammoniac.
- La gestion des animaux, en améliorant le potentiel de production par truie et en limitant les pertes entre la naissance et le sevrage.
- La consommation d’énergie, en valorisant la chaleur et en produisant de l’énergie renouvelable, notamment.
Le diagnostic initial sera réalisé via l’outil GEEP (Gestion environnementale des élevages de porcs), développé par l’Ifip, qui va être mis en conformité avec la méthode. Les bons diagnostics carbone, réalisés sous moins d’un an, pourront remplacer ce diagnostic initial.
Des simulations sur le terrain
L’hypothèse formulée, via la mise en œuvre de ces leviers, est une réduction moyenne de 10 % des GES totales et une rémunération de l’ordre de 20 000 €/an. Néanmoins, pour en savoir plus sur les effets réels de ces leviers sur le terrain, des simulations ont été mises en place avec le groupement de producteurs de porcs Evel’Up. La mise en place de la méthanisation a permis, dans l’élevage test, de réduire les émissions de 10,7 % , soit une rémunération, dans le cadre du label, de 26 130 €/ an (calcul réalisé avec 1 tonne de carbone = 30 €). Dans le second élevage test, le levier alimentation a été activé. Résultat : -8,6 % de GES et un gain, via le label, de 17 000 €/an. Des chiffres alléchants, à prendre avec précaution, prévient néanmoins Loïc Dupont, conseiller environnement et valorisation chez Evel’Up. « Tous les éleveurs ne pourront pas déployer l’ensemble des leviers. Les lisiers de porcs sont peu méthanogènes, cela nécessite de changer ces assolements ou importer des intrants végétaux, c’est une marche importante à franchir. »
Les limites du label soulignées
Loïc Dupont pointe également du doigt la jeunesse du marché du carbone. « On ne sait pas comment il va évoluer, je ne suis pas sûr que cela va réellement motiver la décarbonation. Il serait peut-être plus intéressant de valoriser le kilo de porc bas carbone, pour que cela concerne aussi les éleveurs qui ont déjà fait des efforts », plaide-t-il. Le label bas carbone ne valorise en effet pas les actions déjà mises en œuvre. Plus globalement, Gilles Fassot insiste sur la nécessaire réduction des émissions, à tout niveau : « En 2050, nous n’aurons plus de quoi séquestrer le carbone normalement, nous devons travailler dès aujourd’hui sur les facteurs d’émissions. La décarbonation permettra d’investir dans nos fermes. »
Quel bilan carbone pour le porc ?
2,73 kg eq CO2, c’est le bilan carbone d’un kilogramme de porc au portail de la ferme, selon les données inscrites dans Agribalyse. Les émissions directes représentent 46 % de ce total (liées au méthane notamment), et les indirectes 54 % (surtout en lien avec la production d’aliments). « Selon les bases de données, ces valeurs sont hétérogènes, pointe Sandrine Espagnol, ingénieure environnement à l’Ifip. Les facteurs d’émissions du méthane ont été revus à la hause de 65 % entre 2006 et 2019. Une certaine stabilité se retrouve néanmoins sur les principaux postes contributeurs. Un changement de valeur est néanmoins à prévoir, une nouvelle version d’Agribalyse étant prévue pour le 6 octobre. »