Les coopératives cherchent le bon équilibre face au spectre de la déconversion en bio
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Moins de conversions, réduction des volumes produits, déconversion ? Face à la crise que traverse le bio, les coopératives tâchent de proposer un cap adapté à leurs adhérents. Pour l’heure, les coopératives n’incitent pas à sortir du label, notamment pour éviter de compromettre des filières dans la perspective d’une reprise de la demande.
Après avoir connu de bons chiffres au début de la pandémie de Covid-19, succédant eux-mêmes à plusieurs années de croissance, le marché du bio recule depuis maintenant plus d’un an. Un ralentissement de la demande qui pose question sur le terrain. Début 2022, déjà, l’Agence bio se voyait pousser à rassurer sur le phénomène des déconversions, un mot qui a pu être entendu en marge de certaines assemblées générales de coopératives, cet hiver.
Déconversions, une tendance encore limitée
Le directeur général de Valfrance, Laurent Vittoz, confie à Référence agro : « Pour la première fois cette année, nous avons plus de déconversions que de conversions. C’est symptomatique. » Alban Le Mao, le responsable des activités bio de Cavac, de son côté, reconnaît que le sujet est sensible : « Les coûts de production et les charges de main d’œuvre font réfléchir. Dans notre zone, toutefois, les seules déconversions se cantonnent aux départs à la retraite ou aux cessations d’activité. » Chez Val de Gascogne, coopérative située dans une région très dynamique sur le bio, le directeur général adjoint Jean-François Deneys ne constate pas de grands mouvements de déconversions, et celles-ci concernent uniquement des agriculteurs « pour qui le choix du bio était dicté davantage par opportunité que par conviction ». À tel point que la coopérative a investi dans l’aval, via une usine d’huile, pour assurer des débouchés à ses nombreux producteurs.
Filières hétérogènes
Quelle stratégie adopter, pour les collecteurs, dans cette période d’incertitude ? Dans la plupart des cas, les contrats pluriannuels construits par les coopératives permettent de limiter les effets « année », ce qui n’empêche évidemment pas de rester attentif au marché. Ou plutôt, aux marchés. En bio, si le secteur de l’élevage, et indirectement les filières d’alimentation animale, sont en retrait, les légumes secs et grandes cultures, par exemple, sont moins affectés. « Il y a trois ans, nous nous étions fixé l’objectif d’atteindre 30 000 hectares de grandes cultures bio, illustre Alban Le Mao. Maintenant que nous l’avons atteint, et vu le contexte, nous sommes un peu moins incitatifs. Pour autant, de nouveaux marchés à l’exportation en Europe nous permettent de maintenir nos volumes. »
La Fnab ne s’inquiète pas pour les OS historiquement tournés vers le bio
Difficile donc, à ce stade, de détecter une tendance globale. Y compris au sein de la La coopération agricole, qui ne souhaite pas réagir à cette heure, mais affirme que le dossier est ouvert, et qu’une communication suivra, a priori courant février. Par ailleurs, la Fédération nationale d’agriculture biologique, Fnab, affirme ne pas avoir engagé de dialogue avec FNA ou LCA, « ni même avec le ministère, sur ce sujet qui nous semble encore marginal », explique son président Philippe Camburet.
Ce dernier a toutefois un avis sur le rôle des OS face à la crise actuelle. Selon lui, un autre critère pèse sur leurs stratégies : leur antériorité, en matière de bio. « Certaines coopératives sont « historiques » et déterminées à éviter les déconversions, quitte à limiter les nouvelles conversions ou limiter les volumes produits, juge Philippe Camburet. Pour des coopératives ayant pris le virage du bio dans les dix dernières années, la question se pose davantage. Elles sont plus susceptibles d’accompagner les tendances que de les influencer, elles résisteront moins à la tentation de sortir du bio. »
Intérêt réciproque
Pour la Fnab, le risque dans ce cas retombe sur le producteur souhaitant maintenir le cap sur l’AB, tout en adhérant à une coopérative délaissant le label. Mais pour les coopératives, le bio s’affiche comme un intérêt réciproque entre elles et les agriculteurs. D’autant que pour un OS, une stratégie « bio » implique aussi de l’investissement, à travers la formation des conseillers, la logistique ou les silos de stockage par exemple. « Attention à ne pas hypothéquer les moyens de l’on s’est donnés pour accompagner des filières bio qui pourraient repartir à moyen terme », avertit ainsi Alban Le Mao. L’avertissement est d’autant plus valable pour les coopératives ayant investi dans l’aval.
Loin de n’être que des spectatrices de tendances auxquelles elles se contenteraient de s’adapter, les coopératives se veulent proactives et rassurantes vis-à-vis de leurs adhérents sur le label. Dans la mesure de leurs capacités d’influence… car comme le rappelle Alban Le Mao : « Bio ou pas bio, le choix final revient au producteur. Le collecteur peut l’accompagner, mais pas décider à sa place. »