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Affichage environnemental, une expérimentation à bout de souffle

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Rien ne va plus dans le dossier de l’affichage environnemental. Alors que l’expérimentation nationale se termine, la remise du rapport au Parlement est repoussée. En parallèle, l’Éco-score et le Planet-Score rivalisent de communication pour montrer la pertinence de leur méthode. Malgré l’existence de ces deux solutions opérationnelles, l’Ademe semble encore chercher ses marques pour définir le cadre de 2023.

Affichage environnemental, une expérimentation à bout de souffle
Affichage environnemental, une expérimentation à bout de souffle

Dix ans après la première tentative, la mise en place d’un affichage environnemental des produits alimentaires semble s’enliser à nouveau. Alors que l’Etat a lancé une nouvelle expérimentation nationale en 2020 qui devait se clore à l’automne 2021, le rapport à remettre au Parlement en est toujours au stade de préprojet : contrairement à ce qui était attendu, le ministère de la Transition écologique a indiqué que la publication officielle du rapport « affichage environnementale dans le secteur alimentaire » était repoussée et qu’aucun décret ne sera publié pour l’instant. Entre élections présidentielles et salon de l’agriculture, le calendrier tiraille. Il faut dire que le dossier est sensible : de la méthodologie d’affichage dépendra l’agriculture de demain, entre intensification durable et agroécologie.

L’Éco-score et le Planet-Score finalistes de l’expérimentation nationale

Sur les 18 projets proposés, deux sont considérés comme répondant à l’enjeu de l’affichage environnemental, comme le définit son conseil scientifique dans un rapport diffusé le 21 octobre 2021 : l’Éco-score, porté par des acteurs du digital (ECO2 Initiative, ScanUp, Etiquettable, Yuka, Open Food Facts, Marmiton, FrigoMagic, Foodchéri et La Fourche) et le Planet-Score, soutenu par l’Itab et des ONG. A l’approche de la fin de l’expérimentation, la communication se renforce, chacun voulant montrer son pouvoir fédérateur.

L’Éco-score donne des statistiques sur sa communauté

« L’Éco-score plébiscité par les Français », tel était le titre de la conférence de presse tenue par le collectif digital le 26 janvier. En se basant sur une enquête menée auprès de 6 000 utilisateurs provenant de leurs communautés, Lucas Lefebvre, cofondateur de La Fourche déclare : « Deux consommateurs sur trois ont déjà renoncé à un achat à cause d’un Éco-score défavorable et 69 % ont déjà choisi un produit grâce à son Éco-score favorable. » Mis en expérimentation chez Carrefour, l’affichage n’a pourtant pas convaincu. « L’Éco-score ne valorise pas assez certains critères considérés comme très importants par nos clients, explique Diane Martinez, responsable projets innovation de Carrefour. En particulier le bien-être animal, les pesticides et le mode d’élevage. » L’enseigne de grande distribution a annoncé par voie de presse se tourner vers un autre mode d’affichage, et tester le Planet-Score. Le groupe belge Colruyt, qui possède notamment la marque Spar, intègre quant à lui l’Éco-score dans ses communications clients.

Le Planet-Score séduit les entreprises de l’aval engagées

Du côté du Planet-Score, l’accent est davantage mis sur la méthode scientifique et le travail collaboratif. Lors d’une conférence de presse qui s’est déroulée le 17 février, la présidente de l’Itab, Sabine Bonnot explique que « la société civile constitue la pierre d’appui de la démarche, avec la prise en compte des grands enjeux sociétaux et la mobilisation de l’expertise des ONG de protection de l’environnement et du bien-être animal, ainsi que les associations de consommateurs, seul moyen d’aboutir à un dispositif anti-greenwashing ». Quinze ONG sont ainsi partenaires du Planet-Score. Quatorze enseignes de grande distribution collaborent pour expérimenter le Planet-Score à grande échelle, notamment Lidl, Auchan, Franprix, Monoprix, Système U, Picard, Carrefour… Plus de 80 marques alimentaires s’engagent dans la démarche et font évaluer leurs produits avec le Planet-Score. « Certaines viennent de lancer l’impression sur les emballages, continue Sabine Bonnot. Du côté des enseignes, Monoprix et Franprix ont annoncé s’engager dans la transparence en affichant très prochainement sur leurs sites de e-commerce toutes les étiquettes Planet-score, bonnes comme mauvaises, qui ont été calculées sur les produits de leurs marques propres. Et ils commencent déjà à réfléchir aux actions concrètes à engager pour améliorer les notes les moins favorables ! » Le Planet-Score séduit aussi au-delà des frontières, notamment en Allemagne et en Espagne, respectivement avec Lidl et Eroski.

La Note Globale s’allie au Planet-Score

« Nous travaillons depuis plusieurs mois avec le Planet-Score et avons décidé de nous allier à la démarche pour sa solidité scientifique et sa gouvernance ouverte, explique Capucine Laurent, directrice générale de La Note Globale. La construction doit maintenant se poursuivre avec les pouvoirs publics dans le but de sortir assez vite une méthode qui fasse consensus et puisse être promue au niveau européen. » Car l’enjeu est bien là : infuser les réflexions sur le Product Environnmental Footprint (PEF) afin de construire un modèle d’affichage européen qui reconnaisse les grands enjeux de préservation de la biodiversité, de la santé publique et du bien-être animal, tout en valorisant les services rendus par l’agriculture. « Nous avons un appel d’air sur l’Europe, confirme Sabine Bonnot. Nous allons répondre présent. »

(Re)construire une méthode pour 2023 ?

Même enjeu partagé du côté de l’Ademe qui confirme l’objectif de sortir une méthode officielle pour le début de l’année 2023 puis de la promouvoir au niveau de l’Union européenne. Mais pas avec les solutions existantes. L’agence d’Etat semble encore chercher ses marques pour définir le cadre de 2023. D’après le rapport provisoire diffusé, il apparaît que le dispositif officiel ne serait ni l’Éco-score, ni le Planet-Score, et ce, malgré le caractère opérationnel des deux méthodes. La solidité scientifique ne serait pas au rendez-vous, notamment en ce qui concerne le recours aux systèmes de bonus-malus…

L’expérimentation nationale semble donc se heurter, encore une fois, aux choix politiques inhérents à l’utilisation de la méthode d’analyse du cycle de vie (ACV) pour évaluer l’impact environnemental d’un produit, qui plus est alimentaire. Dans son rapport publié le 26 octobre 2021, l’Iddri rappelle que « définir un indicateur d’affichage environnemental est hautement stratégique, dans la mesure où cela reflète des choix politiques sur ce qui compte et sur ce qu’il faut favoriser ou au contraire pénaliser […] Construire un indicateur d’affichage environnemental implique ainsi de faire des arbitrages politiques sur un certain nombre de dimensions de la transition agroalimentaire, et de dessiner une sorte de vision de

référence. » L’Ademe elle-même écrivait en 2020 que « si le rôle de l’expertise scientifique est ici d’identifier les diverses variables environnementales à prendre compte et de mesurer comment varient les effets sur

les consommateurs selon les critères mis en avant, il reste que les pondérations à donner à chacun des critères pour la construction d’un score agrégé ne peuvent à ce stade être basées sur des données scientifiques et relèvent clairement de choix politiques ». Dix ans plus tard, le dossier de l’affichage environnemental des produits alimentaires n’est donc pas prêt d’être bouclé. En attendant, le déploiement des étiquetages Éco-score et Planet-Score est en cours… La dynamique est enclenchée.

L’Eco-Score, une marque déposée par l’Ademe

Lors de la conférence de presse du 17 février du Planet-Score, une communication du Groupe Carrefour est présentée, expliquant pourquoi les clients de l’enseigne ne sont pas satisfaits de l’Eco-Score. En bas de diapositive est inscrit la mention :  la marque Eco-Score est une marque déposée et propriété de l’Ademe. L’Eco-score étant un des projets proposés à l’expérimentation nationale, pilotée par l’Ademe, Référence agro a demandé à l’agence d’Etat plus d’informations. Vincent Colomb, ingénieur évaluation environnementale à l’Ademe, nous répond : « Suite au succès croissant du Nutri-score, nous avons déposé en 2019 la marque Éco-score afin de la protéger en vue d’un possible affichage environnemental officiel. Dans le cadre de l’expérimentation nationale menée depuis 2020, nous avons accordé, suite à leur demande un droit d’usage temporaire du terme au collectif de Yuka et de ses partenaires. Mais dès la fin de l’expérimentation, et la mise en place d’une méthode officielle, ils perdront ce droit d’usage. L’objectif est de ne pas se retrouver avec plusieurs dénominations similaires qui pourraient brouiller le consommateur. »