Dernière ligne droite avant la décision du Conseil d’État sur les ZNT
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La décision du juge des référés du Conseil d’État est attendue pour la fin de la semaine. Elle concerne deux requêtes, d’un collectif d’associations et des maires antipesticides, sur la mise en œuvre des zones de non-traitement ou ZNT. Les deux parties se sont fait face une dernière fois, le 12 mai, lors d’une audience.
Près de cinq mois après la publication de l’arrêté et du décret définissant les modalités de mises en œuvre des zones de non-traitement (ZNT), la bataille continue pour les opposants à ce dispositif. Une audience en référé était organisée le 12 mai, au Conseil d’État, pour examiner deux recours déposés par neuf ONG et par le Collectif des maires antipesticides. Celui-ci avait vu sa précédente demande retoquée par l’instance faute d’éléments assez étayés. Si les deux recours s’attaquent aux ZNT, les points concernés ne sont pas tout à fait les mêmes.
Les ONG visent les réductions de distance permises
La requête des neuf ONG (1), emmenées par Générations futures, concerne différents dispositifs de dérogations, pour permettre aux agriculteurs de réduire les distances des ZNT, telles qu’énoncées dans la loi. Il s’agit, en premier lieu, de l’instruction technique du 3 février indiquant que ces distances peuvent être actuellement réduites même la charte de riverain n’est encore finalisée. « Cela découle du délai d’élaboration des chartes, qui fait que peu d’entre elles étaient prêtes pour les cultures de printemps », précise un représentant du ministère de l’Agriculture. Un manque d’anticipation que regrettent les représentants des ONG présents. Par ailleurs, un communiqué de presse et une note « Éléments de mise en œuvre » publiée sur le site du ministère de l’Agriculture le 30 mars sont également concernés. Ils indiquent, qu’en raison du confinement, les réductions peuvent être appliquées par tous les utilisateurs engagés dans un projet de charte « pour lequel les organisateurs s’engagent à mener la concertation dès que le contexte Covid-19 le permettra », et ce jusqu’au 30 juin 2020. Néanmoins, compte-tenu de l’engagement du déconfinement le 11 mai, ces dérogations liées à la crise du Covid-19 ne pourront plus être accordées, indique le représentant du ministère de l’Agriculture. « Je m’étonne que le ministère n’ait pas annoncé qu’il renonçait à ces dérogations, nous en attendons une preuve formelle », réagit François Lafforgue, avocat représentant l’association Génération Futures.
Le collectif des maires antipesticides demande la suspension de l’arrêté et du décret
Retoqué une première fois, le Collectif des maires antipesticide a de son côté présenté lors de cette audience de nouveaux éléments pour demander la suspension de l’arrêté et du décret sur les ZNT. Corinne Lepage, qui représentait le collectif, a rappelé que les résultats des études en cours sur l’exposition des riverains n’étaient attendus que pour 2021. En attendant, celle-ci a présenté une étude hollandaise, réalisée sur les bulbes de tulipes, selon laquelle des traces de pesticides étaient retrouvés à 250 mètres du lieu d’épandage. « Cette culture est une des plus utilisatrices de produits phytosanitaires, commente le représentant du ministère de l’Agriculture. Oui, il y a des phénomènes d’évaporation mais cette étude ne porte pas sur les impacts sur la santé. » Regrettant le manque de données et d’études menées par le Gouvernement sur l’exposition des riverains, le collectif a enfin mis en avant l’argument de la « fragilité accrue » des personnes habitant des zones à l’air fortement pollué. « Ces distances sont ridicules, et tournent le dos au principe de bon sens », conclut Corinne Lepage. Des arguments viennent buter contre l’avocate de la Coordination rurale, Maître Poupet, présente également lors de l’audience. « Les agriculteurs ne sont pas des assassins, les produits qu’ils utilisent ont été contrôlés. Le contexte de la crise sanitaire pèse lourd sur les agriculteurs, n’aggravons pas leur situation. L’hiver a été doux et a favorisé l’apparition de ravageurs ce qui a nécessité des traitements, pour ne pas souffrir de trop grosses pertes. »
La décision attendues dans les prochains jours
Actuellement, selon les chiffres du ministère de l’Agriculture, un quart des départements sont engagés dans une charte de riverains, une moitié se sont tournés vers les préfets pour se manifester suite au communiqué du ministère du 30 mars, et un dernier quart n’a entamé aucune démarche. Par ailleurs, si des maires se sont engagés en prenant des arrêtés anti-pesticides, de nombreux autres n’ont pas pris de telles initiatives. « Si nous suspendons l’arrêté et le décret, le niveau de protection sera plus faible », souligne le juge des référés, M. Fabien Raynaud, à l’adresse de Corinne Lepage. Suite à cette audience, l’instruction a été prolongée jusqu’au 13 mai au soir, pour donner le temps au ministère de l’Agriculture de communiquer sur la fin du dispositif de dérogations lié au confinement. La décision du Conseil d’État devrait être communiquée d’ici à la fin de la semaine.
(1) Alerte Médecins Pesticides, Collectif de soutien aux victimes des pesticides des Hauts de France, Collectif de soutien aux victimes des pesticides de l’Ouest, Collectif vigilance OGM et Pesticides 16, Eau & Rivières de Bretagne, Générations Futures, FNE, UFC-Que Choisir, Union syndicale Solidaires.