La protection des cultures, premier axe du plan de souveraineté pour la filière fruits et légumes
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Le plan de souveraineté pour la filière fruits et légumes, dont le premier comité de pilotage stratégique s’est tenu le 25 mai 2023, fait la part belle à la protection des cultures : celle-ci fait l’objet de son premier axe stratégique. Le plan vise à accélérer la transition agroécologique, mais cherche également à améliorer la disponibilité en produits phytosanitaires conventionnels, afin de ne pas laisser les producteurs face à des impasses techniques.
Les fruits et légumes représentent la première filière à faire l’objet d’un plan de souveraineté, avec la mobilisation, dès 2023, d’un budget de 200 M€. D’autres suivront-ils ? À l’Assemblée nationale, comme au Sénat, les parlementaires se penchent sur la compétitivité de la Ferme France. Parallèlement, le Gouvernement travaille à l’anticipation du retrait des molécules phytosanitaires qui conduit à des impasses techniques.
Faudra-t-il attendre, pour les autres filières, que la moitié de leurs produits consommés en France soient importés ? Car tel est le cas des fruits et légumes, principale raison qui a déclenché ce plan de souveraineté.
Reconnaissance des impasses techniques
L’objectif du plan est de gagner cinq points de souveraineté en fruits et légumes dès 2030 et d’enclencher une hausse tendancielle de dix points à horizon 2035. « Nous atteindrons cet objectif en développant des méthodes de production durables et en engageant une dynamique pour reconcevoir les systèmes de production, qui permettra de réduire l’usage des produits phytosanitaires et leur impact environnemental », précise le ministère chargé de l’Agriculture dans un communiqué daté du 26 mai, soit le lendemain du premier comité de pilotage stratégique du plan.
Le plan compte quatre axes stratégiques et met en premier celui concernant la protection des cultures. Le but de cet axe est d’accélérer la transition agroécologique des systèmes de production, en trouvant notamment des alternatives aux produits phytosanitaires de synthèse. Mais le plan reconnaît que les retraits de molécules ont entraîné des difficultés de protection des cultures, que « la mise en œuvre sur le terrain de nouvelles stratégies de protection des cultures peut nécessiter de nombreuses années ». Il prévoit de multiples mesures pour faciliter l’autorisation de produits de synthèse. Ces mesures devraient rassurer certains représentants de filières mobilisées sur l’anticipation du retrait de molécules phytosanitaires, notamment ceux de la filière betterave, qui mettent en avant la possibilité d’arrêt de production en cas d’absence de solutions de protection des plantes.
Faciliter l’obtention d’AMM
Parallèlement au travail de recensement des usages sous tension et des alternatives existantes, le plan de souveraineté pour la filière fruits et légumes souhaite améliorer la mise en œuvre de certaines procédures d’autorisation pour les produits phytosanitaires conventionnels afin d’accroître leur disponibilité. Il vise ainsi à :
- faciliter les extensions d’autorisation de mise sur le marché (AMM) pour les usages mineurs. Ces extensions, autorisées par l’article 51 du règlement (CE) n° 1107/2009 relatif à la mise en marché des produits phytosanitaires, rencontrent en effet des difficultés dans un certain nombre de situations. Le plan vise à lever ces difficultés en adaptant si besoin la réglementation ;
- réviser, d’ici à juin 2023, le catalogue national des usages phytosanitaires, dont la dernière version date de 2021, afin de réexaminer le statut des usages (majeurs ou mineurs) ;
- faciliter la reconnaissance mutuelle des AMM. « Il apparaît que la proportion de demandes de reconnaissance mutuelle ayant reçu un avis favorable en France (53 % des 83 décisions rendues entre janvier 2018 et février 2022) est relativement faible », peut-on lire dans le plan ;
- optimiser les calendriers de délivrance des AMM : l’objectif est de prioriser les dossiers à l’Anses afin d’éviter des retards de décision sur des solutions indispensables, qui conduisent finalement à ne pouvoir utiliser le produit que l’année suivante ;
- étudier la faisabilité d’autorisations de mise sur le marché à portée limitée. « La limitation de la portée d’une autorisation, aux seules zones géographiques ou conditions dans lesquelles l’utilisation est évaluée comme étant sûre plutôt qu’à l’ensemble du territoire ou des situations, pourrait permettre d’améliorer la disponibilité en produits phytopharmaceutiques dans certaines circonstances particulières, ce qui serait utile en cas de forte pression phytosanitaire », est-il expliqué. Un rapport de l’Anses sur la question est attendu pour décembre 2024.
Travailler sur les LMR
Le plan souhaite par ailleurs mettre à jour les exigences sur les données résidus nécessaires à la délivrance des AMM afin de les alléger. La France est en effet le seul État membre à être sur deux zones géographiques, ce qui implique un nombre d’essais résidus à fournir plus important. « Les mesures de simplification identifiées feront l’objet d’une demande à la Commission européenne de modification réglementaire », est-il précisé. Le plan prévoit également de mettre à jour les limites maximales de résidus (LMR) à l’importation, qui sont parfois inférieures à celles exigées au sein de l’UE. La France porte le sujet à Bruxelles depuis 2021, mais les travaux avancent lentement.
Soutenir les alternatives naturelles
Le plan cherche bien sûr à faciliter également l’obtention d’autorisations des alternatives naturelles aux produits phytosanitaires de synthèse. Pour les préparations naturelles, il vise à adapter la procédure européenne d’approbation des substances de base. Il cherche aussi à réviser la procédure française visant la mise en marché des substances naturelles à usage biostimulant et des biostimulants produits à partir d’extraits de compost transformés, de procédés de bioamplification ainsi que les préparations biodynamiques.
Le plan tend également à donner un cadre réglementaire pour l’autorisation des produits agissant comme barrières physiques, sans activer de mécanismes biologiques. Enfin, il s’engage à développer la technique de l’insecte stérile et à élargir le recours aux médiateurs chimiques.