Le ministère de l’Agriculture va lancer une concertation pour construire un Pacte autour des haies
Le | Politique
Le ministre de l’Agriculture s’est vu remettre, le 24 avril 2023, un rapport sur les haies, qu’il avait commandé au CGAAER à l’automne dernier. Le document insiste sur les efforts à fournir pour enrayer la disparition massive des haies dans les territoires, en rendant les dispositifs financiers plus incitatifs et en faisant monter en compétence les conseillers. Une concertation doit être lancée dans les prochains jours en collaboration avec le ministère de la Transition écologique.
« La haie n’est pas un objet politique orphelin. Les initiatives sont nombreuses et souvent anciennes. Elles sont toutefois insuffisantes, si l’on en juge par le recul généralisé de la haie dans toutes les régions visitées. » Voilà le constat du CGAAER, dans un rapport intitulé « La haie, levier de la planification écologique », remis le 24 avril 2023 au ministre de l’Agriculture. Marc Fesneau avait commandé ce travail en novembre dernier. Il soulignait, dans sa lettre de mission au CGAAER, que 70 % des haies ont disparu des paysages français depuis 1950.
Revaloriser le bonus haies dans le Plan stratégique national
Les auteurs du rapport recommandent, en premier lieu, non pas de chercher à créer de nouvelles haies, mais « de mieux protéger et gérer le linéaire existant ». Pour cela, le CGAAER prône de mobiliser des financements pérennes, avec en premier lieu la revalorisation de l’éco-régime, auquel les haies donnent accès via la voie « éléments favorables à la biodiversité ». Un bonus haie de 7 €/ha peut par ailleurs être cumulé aux deux autres voies (pratiques, certification environnementale).
Pour les rapporteurs, ce montant, non proportionnel à la présence de haies, est trop faible par rapport aux coûts liés à une bonne gestion des haies : entre 1500 et 2500 € pour la réalisation d’un plan de gestion durable des haies, PGDH, 352 €/an pour la labellisation, environ 500 €/km pour la mise en œuvre de cette gestion durable. Le CGAAER suggère de faire un retour d’expérience de la campagne 2023, pour évaluer si ce bonus est suffisamment mobilisé et, si ce n’est pas le cas, de le rendre plus attractif.
Des dispositifs de soutien n’apportant pas une visibilité suffisante
Le rapport plaide également pour une meilleure prise en compte des haies dans les paiements pour services énvironnementaux, PSE, mais aussi dans les démarches RSE des entreprises, et notamment celles des coopératives agricoles. « Un récent rapport du CGAAER indiquait que ces démarches s’arrêteraient trop souvent au niveau de la coopérative mais n’embarqueraient pas tous les agriculteurs dans une logique de filière, rappellent les auteurs. La traçabilité des produits et l’affichage environnemental vont les conduire à progresser, passant d’un « marketing de l’annonce » au « marketing de la preuve. »
De manière plus générale, le rapport plaide en faveur d’une plus grande connexion entre les dispositifs mis à disposition des exploitants et la réalité du terrain. « Quelles que soient leur attractivité et leur efficience, les dispositifs PSE, MAEC, Label Bas Carbone ou écorégime, n’apportent pas à l’agriculteur de visibilité, ni de soutien sur le long terme. Or, la plantation d’une haie engage le propriétaire ou l’exploitant agricole sur plusieurs décennies. »
Mobiliser les instituts techniques et les chambres pour produire des références
En parallèle à cet effort financier et incitatif à mener, le CGAAER insiste sur la nécessité d’accélérer dans la production de référentiels techniques. « Les travaux de recherche sur la haie sont déjà nombreux mais il manque des références technicoéconomiques », est-il noté. Pour y remédier, le rapport invite, dans le cadre du PNDAR, à mobiliser « prioritairement » l’Acta, les instituts techniques, les Onvar et Chambre d’agriculture France « dans un dispositif d’accélération des travaux de recherche appliquée et de diffusion des connaissances au plus proche des territoires ». Cela devra se traduire par la construction de références techniques et économiques dans différents systèmes de culture valorisant les services écosystémiques de la haie, et la mise au point d’outils d’aide à la décision à différentes échelles concernant l’implantation et la gestion de la haie.
Certifier le conseil
Ces données devront par ailleurs être mieux appropriées et restituées par les techniciens des structures de conseil, assure le CGAAER, qui note que ces derniers sont issus, dans leur majorité, de formations classiques. « Cette situation est totalement inadaptée si l’on veut pouvoir apporter massivement des conseils aux agriculteurs en activité, et favoriser l’adoption de PGDH », réagissent les auteurs. Ils appellent ainsi à la mise en place d’une certification professionnelle pour les techniciens, afin de garantir la qualité du conseil sur cet enjeu.
Lancement d’une charte nationale
Pour coordonner l’ensemble de ces efforts, le rapport appelle au déploiement d’un « engagement national ». Pour cela, le ministère de l’Agriculture est enjoint à lancer une « Charte en faveur des haies », à laquelle seraient associés le ministère de la Transition écologique et l’ensemble des parties prenantes. « L’intérêt de celle-ci serait de déclencher une prise de conscience avec des engagements à la clef, en réponse à « l’appel de la Haie » lancé en février par l’Afac-Agroforesterie », remarque par ailleurs le CGAAER.
En réponse à une dernière recommandation du rapport, le ministère de l’Agriculture a d’ores et déjà annoncé qu’une concertation serait lancée dans les prochains jours, pour construire un « Pacte en faveur de la haie », en collaboration avec la secrétaire d’État à l’Écologie, Bérangère Couillard.