Référence agro

« L’Iddri fait des erreurs de débutant », Laurent Brault, HVE

Le | Politique

Pour l’Institut du développement durable et des relations internationales, Iddri, la Haute valeur environnementale, HVE, ne devrait pas bénéficier des écorégimes de la prochaine Pac. Il appelle à une révision de son cahier des charges dans une étude publiée le 16 mars. Réaction de Laurent Brault, responsable développement de la certification pour l’association HVE.

« L’Iddri fait des erreurs de débutant », Laurent Brault, HVE
« L’Iddri fait des erreurs de débutant », Laurent Brault, HVE

Référence agro : Comment réagissez-vous à la publication de l’Iddri qui estime que la HVE, telle qu’elle est actuellement définie, ne devrait pas bénéficier des écorégimes de la prochaine Pac ?

Laurent Brault : Nous avons été surpris, à plusieurs titres. D’abord parce qu’il nous semble que le projet d’intégration des écorégimes de la prochaine Pac porte sur le niveau 2 de la certification environnementale des exploitations, mais pas la HVE. Il aurait été donc judicieux de centrer l’étude sur les niveaux 1 et 2. Ensuite, parce que ce type d’étude implique de solliciter toutes les parties prenantes. Ici, aucune des organisations spécialistes de la HVE, que ce soit le ministère de l’Agriculture, porteur du dossier, la CNCE, pilote de la HVE, ou notre association, acteur du déploiement sur le terrain, n’ont été contactés. Or il y a beaucoup d’erreurs et de confusions qui montrent une méconnaissance du système de la HVE et des mécaniques de la Politique agricole commune. Nous aurions pu espérer que cette recherche permette d’identifier de nouvelles pistes de travail. Mais l’étude ne fait que conclure sur des critiques déjà entendues et portées par des organisations connues pour être frontalement opposées à la HVE et qui se sont déjà largement exprimées ces derniers temps.

L’Iddri fait des erreurs de débutant que nous voyons chez les techniciens au commencement de leur investissement dans la HVE. Les auteurs n’ont pas compris le système de comptabilisation des indicateurs du niveau trois de la certification environnementale. Par exemple, ils indiquent que l’agriculteur peut obtenir 43 points sur le module biodiversité, considérant ainsi la note qualificative de 10 points comme trop faible. Comme si la HVE notait la biodiversité sur 43 points… Dans la réalité, une exploitation n’a pas accès à tous les indicateurs. Car ces derniers sont organisés afin que chaque exploitation puisse répondre à un objectif de biodiversité adapté à sa situation, selon ses productions et sa région, et avec des schémas différents. Une performance donnée en matière de biodiversité, par exemple une SAU consacrée à 100 % de prairies permanentes, permettra d’obtenir des points sur certains indicateurs, tout en fermant l’accès à d’autres indicateurs, la diversité des assolements dans notre exemple.

Quant à leur critique sur l’option B, nous connaissons déjà ses limites et nous y travaillons. Les données officielles du ministère précisent que l’option B est peu développée avec seulement 22 % des certifiés HVE. Je suis surpris que l’Iddri ne l’ait pas indiqué. Car cela met court à la fallacieuse rumeur que l’Iddri reprend dans son étude comme quoi la forte proportion de viticulteurs HVE, soit 81 % des exploitations au dernier recensement, profiteraient des avantages de l’option B, alors qu’en réalité, seulement une exploitation sur cinq choisit de passer par cette voie.

R.A. : L’Iddri indique également que les équivalences surfaciques que vous utilisez sont plus avantageuses que celles de la Pac :  pour la HVE, un mètre linéaire de haie équivaut à 100 m² de surface topographique, contre 10 m² pour la Pac…

L.B. : C’est en partie vrai, mais sorti du contexte. D’une part, les Surfaces d’intérêt écologique (SIE) de la Pac ne sont pas systématiquement en lien avec des éléments de biodiversité. Lorsqu’on enfile les bottes et que l’on va dans les territoires très engagés dans la Pac, nous voyons que ce ne sont pas des implantations de haies ou des zones de repos pour la faune et la flore qui sont déployées, mais d’autres solutions offertes par les SIE, comme les cultures dérobées. Ainsi, la HVE va motiver ces exploitations à intégrer des infrastructures agroécologiques (IAE) comme les haies, en complément de leur SIE. Par ailleurs, le ratio favorable accordé aux haies en HVE est une volonté du ministère de l’Agriculture pour motiver les exploitations à passer le pas de plantations de haies dont nous savons qu’elles sont très favorables à la biodiversité, mais également très impliquantes pour les exploitants.

Par ailleurs, et c’est un biais majeur de la comparaison entre HVE et Pac faite dans l’étude de l’Iddri, le ratio de la Pac entre SIE et SAU se calcule exclusivement sur les terres arables de l’exploitation. Or en HVE, le ratio des IAE est rapporté à l’intégralité des surfaces de l’exploitation. Ce qui explique des différences de plusieurs dizaines ou centaines d’hectares entre les surfaces de SAU prises en compte dans le ratio de la Pac et celles prises en compte dans le ratio HVE. Le ratio SIE/SAU de la Pac est donc mathématiquement plus facile que le ratio IAE/SAU de la HVE, ce qui compense des équivalences surfaciques plus avantageuses pour la HVE.

R.A. : L’institut vous demande de revoir le cahier des charges de la HVE. Qu’allez-vous faire ?

L.B. : Il est étonnant que dans un travail qui se présente comme fouillé et complet, l’Iddri soit passé à côté du fait que l’enjeu aujourd’hui de la HVE, si elle devait intégrer les dispositifs pouvant bénéficier des écorégimes, est d’abord une question d’adaptation du dispositif à toutes les filières. Nous y travaillons pour la production de maïs, la meilleure prise en compte des pratiques phytosanitaires de nombreuses cultures, l’adaptation du dispositif aux marais salants, de production de petits fruits, ou encore l’intégration d’un volet climat avec l’évaluation des gaz à effet de serre. Par leurs préconisations qui s’appuient sur une analyse erronée du niveau demandé, des comparaisons approximatives avec la mécanique actuelle de la Pac et une mauvaise interprétation de l’affectation des points dans les modules, les auteurs sont passés à côté de leur sujet.

Nous avons contacté le ministère de l’Agriculture, également surpris par les conclusions des travaux de l’Iddri. Nous ne pouvons pas laisser les auteurs dans cette ignorance, et même s’il eut été plus judicieux d’avoir cet échange avant une telle publication, nous allons bien entendu préparer une note à l’attention de l’Iddri afin que l’institut puisse poser son analyse sur la réalité du fonctionnement de la HVE.