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Prévenir les riverains des traitements, un véritable casse-tête pour le secteur agricole

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C’est l’un des points sensibles que révèle la conception des chartes de riverains, dans la dernière version attendue par le Gouvernement. Les mesures visant à prévenir les voisins, au moment des applications, sont jugées largement insuffisantes par certaines ONG. Philippe Noyau, en charge de ce dossier à Chambres d’agriculture France, resitue le manque de temps et de moyens qui pénalise les agriculteurs.

Prévenir les riverains des traitements, un véritable casse-tête pour le secteur agricole
Prévenir les riverains des traitements, un véritable casse-tête pour le secteur agricole

Le Gouvernement attend des chartes de riverains qu’elles stipulent les moyens par lesquels les agriculteurs se doivent de prévenir leurs voisins en cas d’application phytosanitaire. Dans une majorité de départements, ces moyens se limitent à l’utilisation du gyrophare sur le tracteur ou le pulvérisateur. Dans certains cas, il est suggéré que l’agriculteur reste à l’entrée de son champs quelques minutes avec le gyrophare, puis commence par traiter les zones les plus éloignées des habitations, pour laisser aux riverains le temps de repérer ce signal. Insuffisant, selon François Veillerette, porte-parole de Générations futures, qui pestait le 15 septembre : « Ce n’est pas prévenir en amont, c’est juste signaler au moment du traitement, donc trop tard. »

Peu de temps pour prévenir les riverains

Contacté par Référence agro, Philippe Noyau, en charge de ce dossier à Chambres d’agriculture France, rétorque : « Prévenir les riverains des traitements, c’est un véritable casse-tête. Les chantiers se décident parfois au dernier moment, en fonction de la météo. Le temps manque aux agriculteurs, surtout quand il y a beaucoup de riverains. Dans certains cas, on compte jusqu’à une centaine de personnes à alerter dans un délai très court. Nous avons envisagé des panneaux, mais c’est extrêmement chronophage et, là aussi, compliqué de les rendre visibles de tous. » Il ajoute que des zones ne sont occupées que ponctuellement : « Dans ce cas, au-delà du moyen de communication en soi, comment les agriculteurs peuvent-ils savoir quand il y a quelqu’un à prévenir ? »

« Injonction livrée sans notice »

C’est bien le problème : « L’injonction du Gouvernement est livrée sans notice, regrette une source syndicale. Nous avons dû imaginer nous-mêmes les moyens d’y répondre. » De cette réflexion a émergé l’idée d’ajouter des leviers collectifs de prévention, en plus du gyrophare. Le challenge s’avère tout aussi complexe. Dans beaucoup de chartes, il est fait référence à des calendriers-types présentant les fenêtres de traitements classiques, publiés sur les sites internet des chambres. « Pas assez précis », regrette-t-on encore chez Générations futures, qui rappelle que les applications fluctuent grandement en fonction de la météo. « Ces calendriers peuvent être plus ou moins affinés grâce aux bulletins de santé du végétal, mais seulement pour les principales cultures, remarque Philippe Noyau. Or, il existe une véritable diversification des cultures, et c’est une bonne nouvelle, mais les filières mineures ne sont pas aussi bien suivies. »

Un application pour prévenir des applications ?

Il cite toutefois les applications spécifiques, pour smartphones, afin de centraliser les informations et les présenter aux riverains en temps réel, comme des pistes prometteuses. Mais le concept, creusé notamment par la Chambre de Gironde, reste encore récent, et demande des efforts de communication pour être largement partagé, une fois développé. Dès la parution du décret instaurant l’obligation de prévenir les riverains des traitements, la profession agricole avait alerté sur la complexité de cet enjeu et avait réclamé des moyens pour s’y atteler. Une demande qui reste lettre-morte pour le moment.

En revanche, la loi Climat et Résilience porte une mesure également réclamée par le secteur, qui sans être liée à cet enjeu, traite bien de la protection des riverains lors des épandages. L’article 200 du texte modifie le code de l’urbanisme, donnant la possibilité à l’autorité locale compétente d’inclure les zones non-traitées proches des habitations dans les plans locaux d’urbanisme (PLU), et donc d’enlever cette charge aux producteurs. « C’est une possibilité, pas une obligation. Nous serons attentifs aux retombées concrètes de cette mesure », souffle un proche de ce dossier du côté de la FNSEA.