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« Devenir un leader de l’agriculture régénératrice », Morgane Yvergniaux, Pernod Ricard

Le | Projets-territoriaux

L’agriculture régénératrice a le vent en poupe dans les filières aval comme en témoigne la ligne stratégique que Pernod Ricard déploie pour les prochaines années. Elle impacte la manière de travailler avec les agriculteurs et les distributeurs. Explications avec Morgane Yvergniaux, responsable agriculture durable chez Pernod Ricard.

« Devenir un leader de l’agriculture régénératrice », Morgane Yvergniaux, Pernod Ricard
« Devenir un leader de l’agriculture régénératrice », Morgane Yvergniaux, Pernod Ricard

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« Devenir un leader de l’agriculture régénératrice », Morgane Yvergniaux, Pernod Ricard - © D.R.
« Devenir un leader de l’agriculture régénératrice », Morgane Yvergniaux, Pernod Ricard - © D.R.

Pour Pernod Ricard, l’agriculture régénératrice est la meilleure approche car elle embrasse les trois piliers qu’elle entend traiter : le climat, la biodiversité et les communautés.[/caption]

Spécialisée sur le secteur des vins et des spiritueux, Pernod Ricard mise sur l’agriculture régénératrice. Pour faire évoluer les pratiques des exploitants avec lesquels la société internationale travaille, elle a choisi l’indice de régénération lancé par le mouvement Pour une agriculture du vivant, PADV, le 17 mai. Pourquoi ce choix, comment l’utilise-t-elle, quels liens avec la question du carbone, etc ? Réponses avec Morgane Yvergniaux, responsable agriculture durable chez Pernod Ricard.

Référence agro : Pourquoi avoir choisi l’indice de régénération lancé par Pour une agriculture du vivant ?

Morgane Yvergniaux : D’abord, parce que l’agriculture régénératrice nous paraît une bonne voie pour lutter à la fois contre le changement climatique et l’érosion de la biodiversité. Nous ne pouvons plus travailler comme avant : le temps passe vite, nous avons peu d’années pour inverser la tendance.  Nous devons nous questionner sur les équilibres naturels, les cycles de l’azote et du carbone, la vie des sols, et aller vers les solutions fondées sur la nature comme ce qui a été rappelé au Congrès mondial de la nature.

Quand nous réalisons des diagnostics, nous voyons par exemple les effets de certaines pratiques sur la biodiversité des sols. Cet indicateur, que PADV appelle aussi « la boussole », nous semble pertinent pour mesurer, au niveau des exploitations, un point de départ et élaborer un plan d’amélioration.

Avec la préservation des terroirs, l’agriculture régénératrice fait partie intégrante de la feuille de route environnementale que s’est fixée le groupe à l’horizon 2030, appelée « Good times from a good place » (Préserver pour partager). L’objectif de Pernod Ricard est de devenir un leader de l’agriculture durable et régénératrice.

R.A. : Comment allez-vous diffuser l’usage de cet indicateur dans les exploitations ?

M.Y. : En France, l’indice de régénération sera utilisé dans les vignes que nous avons en propre dans le Cognac et la Champagne. Si le travail est plus simple sur nos parcelles, nous incitons également nos partenaires à aller dans cette voie. Nous travaillons depuis un an à choisir les bonnes solutions pour chaque terroir.

Sur la betterave, que nous utilisons pour le sucre et l’alcool, nous avons rejoint un groupe de travail, animé par PAVD et composé d’industriels comme Danone, Pasquier, Monin, et même la grande distribution. Il a été lancé il y a 18 mois avec pour objectif de démontrer le bien-fondé de cette agriculture, en explorant les enjeux technico-économiques.

R.A. : Sur le maïs, vous avez engagé un partenariat avec Euralis. Où en êtes-vous ?

M.Y. : Nous travaillons avec la coopérative Euralis depuis longtemps et avons décidé il y a six mois d’explorer cette voie ensemble. Les techniciens ont été formés à l’agriculture régénératrice par PADV, pour les rendre autonomes dans l’usage de l’indice. Nous avons réalisé des diagnostics chez 27 exploitants. Les premiers résultats montrent des scores de régénération assez différents, et surtout qu’il n’y a pas de recette unique sur les voies de progrès. L’indice est spécifique à chaque cas. Même si, étant dans une zone de monoculture de maïs, la diversification de la rotation peut apparaître comme étant un fort levier, elle pose la question du choix des cultures les plus adaptées et de leurs débouchés.

La coopérative est très motrice dans ce projet. Elle dispose de parcelles d’expérimentation qui vont nous aider à identifier les leviers les plus pertinents. Nous allons faire des essais de variétés, de mélanges de couverts, de réduction des produits phytosanitaires. Nous voulons également identifier les surcoûts et estimer les besoins en investissements.

R.A. : Rémunérez-vous mieux ces pratiques ?

M.Y. : Oui, mais la manière de le faire est encore en réflexion. Pour l’heure, nous visons une méthode classique de prime selon le score que l’exploitation aura obtenu avec l’indicateur. Je pense que nous pouvons innover davantage en la matière. Mais il n’est pas simple de faire bouger les lignes dans des modèles économiques figés. Quoiqu’il en soit, notre ambition est de sortir progressivement des modèles volatiles pour offrir davantage de stabilité et de sécurité aux différents maillons de nos chaînes d’approvisionnement.

R.A. : Est-ce que vous développez cette même stratégie dans le monde ?

M.Y. : Notre stratégie consiste à mettre en place des programmes d’agriculture durable adaptés à chaque contexte local, à chaque terroir. Le groupe a ainsi listé environ 350 terroirs différents à travers le monde pour plus d’une centaine de matières premières différentes. Et sur 60 d’entre eux, les plus stratégiques, nous avons identifié les leviers à activer pour améliorer leur durabilité. Dans la plupart des cas, l’agriculture régénératrice est la meilleure approche car elle embrasse les trois piliers que nous souhaitons traiter : le climat, la biodiversité et les communautés.

Comme expliqué, ce travail est plus aisé pour les vignobles que nous possédons, qui représentent 5 602 hectares, répartis dans sept pays, dont la Nouvelle Zélande (45 % de nos surfaces), l’Australie (24 %) et la France (13 %).

R.A. : L’agriculture régénératrice a des atouts pour lutter contre l’évolution climatique. Est-ce que vous vous insérez dans des démarches comme le label bas-carbone ?

M.Y. : Nous sommes en train d’analyser les méthodologies utilisées par les différents labels dans le monde. Il reste encore trop d’interrogations sur le stockage réel du carbone dans le temps. Nous lisons beaucoup de choses différentes sur le stockage et le déstockage du carbone car de nombreux paramètres doivent être pris en compte. Cela semble plus simple pour les forêts qui représentent des écosystèmes plus stables que les parcelles agricoles. Nous avons encore besoin d’éléments pour être rassurés.

Pernod Ricard en chiffres

  • En 2019/20, 2,47 millions de tonnes de matières premières agricoles ont été utilisées par le groupe. Elles sont issues des vignobles et exploitations de la société (49 439 tonnes), d’achats directs de produits agricoles bruts (441 705 tonnes) et d’achats de produits transformés comme le sucre ou l’alcool (1 981 273 tonnes).
  • Les matières premières agricoles achetées par le groupe (céréales, raisins, plantes aromatiques, canne à sucre, agave) proviennent de plus de 276 000 hectares, en Europe, Asie, Amériques et Océanie.
  • Le portefeuille du groupe couvre toutes les catégories de vins et de spiritueux et compte plus de 240 marques au total, comme Martell, Absolut, Jameson, Ricard, Ballentine’s, The Glenlivet, Havana Club ou Malibu pour les spiritueux, Mumm, Perrier-Jouët ou Campo Viejo pour les vins. Ses marques sont distribuées dans plus de 160 pays. Le groupe possède 94 sites de production dans 24 pays.