Référence agro

Biointrants, un contexte favorable et un conseil à développer

Le | Recherche-developpement

Intensifier les liens entre les différents acteurs agricoles, pour développer les biointrants : telle était l’ambition d’une conférence organisée le 6 septembre à la foire de Châlons. Le rôle du conseil agricole dans ce changement de pratiques a été vivement souligné, tout comme les besoins en recherche, pour améliorer la performance de ces solutions, dans un contexte géopolitique qui pourrait donner un coup de pouce à ce marché.

Jonathan  Nonnotte, animateur marché biosolutions et nutrition foliaire chez Soufflet Agriculture (I - © D.R.
Jonathan Nonnotte, animateur marché biosolutions et nutrition foliaire chez Soufflet Agriculture (I - © D.R.

Être la région pionnière aux niveaux français, européen et international en matière de bioéconomie, c’est l’objectif du Grand Est. Une ambition qui concerne également les biointrants, comme en témoigne la signature, le 6 septembre, d’un contrat de filière avec 35 partenaires régionaux, à la foire de Châlons. « Les biointrants sont encore un dossier très franco-français, même si cela commence doucement à changer », note Jean-Marc Petat, directeur agriculture durable et communication chez BASF France Division Agro, à l’occasion d’une conférence organisée sur le sujet, en amont de la signature. Alors que les politiques publiques se durcissent sur le plan du recours aux intrants de synthèse, les alternatives se font encore attendre pour certaines filières, malgré les attentes du terrain. « Aujourd’hui, aucun biostimulant n’affiche un rapport bénéfice/coût intéressant pour la filière betterave », pose Ghislain Malatesta, directeur du département expérimentation et expertises régionales à l’Institut technique de la betterave (ITB).

Le potentiel des microorganismes en grandes cultures

Le manque de solutions ayant fait leur preuve se conjugue avec un usage plus complexe et coûteux. « Les grandes cultures sont assez ingrates pour les biointrants, notamment en raison de la météo », explique Mathias Sexe, directeur agronomie et développement au sein de la coopérative de l’Est, EMC2. Pour lui, il n’est pas toujours évident pour les agriculteurs d’investir dans ces solutions onéreuses, « ils disposent d’une marge financière assez faible, entre 50 et 100 €/ha, soit moins d’un centime par mètre carré ».  S’il note des réussites, sur les molluscicides en particulier, il indique que le volet « santé végétale » reste plus difficile à aborder, en raison du faible nombre de solutions disponibles. « Il existe cependant un énorme potentiel chez les microorganismes, qui sont très efficaces contre d’autres microorganismes », souligne Mathias Sexe.

Porter une démarche de conseil pro-active

Un potentiel dont les agriculteurs doivent être informés. « Il ne suffit pas de dire que ça marche, nous devons rassurer les exploitants et les conseillers sur l’efficacité de ces solutions, avoir une démarche de conseil pro-active pour mettre ces produits en avant », plaide le directeur agronomie chez EMC2. Une position partagée par Jonathan Nonnotte, animateur marché biosolutions et nutrition foliaire chez Soufflet Agriculture (InVivo). « Ne négligeons pas le rôle de la distribution agricole ! Nous avons un double devoir : accompagner les start-up qui arrivent avec de nouvelles solutions mais n’ont pas les moyens de faire des essais sur plusieurs hectares, et faire le tri dans ce qui est proposé. »

Ne pas décourager avec de fausses promesses

Si les différents intervenants sont tous convaincus de la nécessité de pousser en faveur de l’appropriation des biointrants par le terrain, ils appellent à ne pas le faire de manière démesurée. « Je dis aux conseillers : ne vous trahissez pas en cherchant absolument à vendre des biointrants à tout prix, rappelle Jonathan Nonnotte. Si le produit de synthèse est plus efficace, il faut le dire. Les agriculteurs sont des chefs d’entreprise, certains font délibérément le choix de perdre quelques quintaux pour aller vers des solutions alternatives. » Surtout, le risque pourrait être de compromettre la montée en puissance de ces produits. « Ne décourageons pas les agriculteurs avec des produits à l’efficacité moyenne aujourd’hui, alors que les biointrants peuvent être une solution pour demain », réagit Maximin Charpentier, président de la Chambre d’agriculture du Grand Est.

La hausse du prix des engrais pourrait profiter aux biointrants

Les biointrants sont par ailleurs davantage mis en lumière dans le contexte géopolitique actuel qui pèse lourd sur le secteur des engrais, les firmes subissant de fortes hausses de leurs coûts de revient. « Les conditions sont très favorables pour les biointrants, veut croire Jonathan Nonnotte. Quand on propose une bactérie pour libérer le phosphore du sol, qui coûte plus chère que le phosphore lui même, c’est compliqué. La bactérie coûte désormais moins chère, les agriculteurs sont donc plus réceptifs, ils nous interrogent. » S’il nuance quelque peu les propos de son collègue, affirmant que ces solutions bactériennes demeurent coûteuses, Maximin Charpentier insiste pour sa part sur « la nécessité d’amener les agriculteurs à essayer ces nouvelles pratiques ». « Nous ne pouvons plus nous permettre de lancer des innovations qui ne répondent pas à des besoins de terrain, rebondit Jean-Marc Petat, pour BASF. Je suis assez optimiste pour les biostimulants, notamment pour ceux permettant une économie d’azote avérée. Cet enjeu azote va perdurer, aujourd’hui pour des raisons de prix, demain en raison de la réglementation. »

L’enjeu de la production de protéines végétales

« Aujourd’hui, nous importons de nombreuses cultures mineures, car nous sommes incapables de les produire en France, par faute de solutions phytosanitaires. Alors que le Gouvernement pousse en faveur d’une relocalisation de la production de protéines végétales, nous devons être en mesure d’assurer cette production », explique Maximin Charpentier, président de la Chambre d’agriculture du Grand Est, pour qui les biointrants peuvent être une partie de réponse à cette situation.