Référence agro

Cuivre : des débats, beaucoup de recherche mais encore peu d’alternatives, selon l’Itab

Le | Recherche-developpement

Un peu plus de trois ans avant la fin de son actuelle autorisation d’utilisation en Europe, le cuivre fait moins parler de lui. Mais le dossier reste ouvert, estiment les spécialistes de l’Itab. Derrière un agenda animé par les ré-approbations, le défi consistant à trouver des alternatives fiables demeure entier, malgré de nombreux efforts et projets dédiés.

FranceAgriMer a officialisé, le 23 janvier, les modalités de son appel à projets contre les dépériss - © D.R.
FranceAgriMer a officialisé, le 23 janvier, les modalités de son appel à projets contre les dépériss - © D.R.

Se passera-t-on, un jour, du cuivre en tant que fongicide/bactéricide ? La question anime la filière bio, mais pas uniquement, comme le souligne le Dr. Patrice Marchand, coordinateur du pôle intrants de l’Itab. « La distinction avec le conventionnel est de moins en moins nette, note-t-il. Désormais, les contraintes d’usage sont les mêmes pour les deux modes de production, et l’évolution des ventes, après la récente réduction des doses autorisées, montre que les agriculteurs non-bio, qui commencent aussi à manquer de solutions, en utilisent davantage. »

Approuvé jusqu’à fin 2025 en Europe

[caption id=« attachment_107645 » align=« alignright » width=« 164 »]

Cuivre : des débats, beaucoup de recherche mais encore peu d’alternatives, selon l’Itab - © D.R.
Cuivre : des débats, beaucoup de recherche mais encore peu d’alternatives, selon l’Itab - © D.R.

Patrice Marchand, coordinateur du pôle intrant de l’Itab, souligne que le cuivre est largement utilisé en cultures conventionnelles.[/caption]

Cette limitation des doses à 4 kg/ha/an en moyenne (soit 28 kg/ha sur 7 ans), contre 6 kg/ha/an auparavant, a été décidée en 2018 au niveau communautaire, au moment de la ré-approbation du cuivre. D’intenses débats avaient alors eu lieu sur ses possibles impacts environnementaux. « Pour finir, l’autorisation a été reconduite pour sept ans soit le maximum, rarement appliqué, dans le cas d’une substance active candidate à la substitution », souligne Patrice Marchand. Les dossiers de ré-approbation devant être déposés trois ans avant la fin d’une autorisation, et celle du cuivre étant valable jusqu’à décembre 2025, ce dernier devrait prochainement animer de nouveau l’actualité.

Cuivre, dossier fertile en polémiques

Le cuivre est en effet un terreau fertile aux polémiques. « Entre 2018 et 2020, dans la continuité de la ré-approbation, des travaux ont été lancés sur la LMR du cuivre, un guide d’évaluation des métaux de transition européen a été réclamé, ainsi que des précisions sur les aspects toxicologiques, énumère le coordinateur intrants de l’Itab. L’agitation est progressivement retombée, et ces dossiers ne sont plus vraiment d’actualité à ma connaissance. » Seul reste attendu, pour la fin d’année 2022, l’avis d’un comité scientifique européen sur une possible évolution de la dose journalière admissible (DJA) de cuivre (1). De son côté, la France lançait, en 2019, une feuille de route dédiée à la réduction des usages de cuivre, dont le suivi dans le temps semble s’être relâché au fil des ans, selon certaines parties prenantes de la filière bio. Malgré tout, un Centre de ressources « cuivre » a été mis en ligne, permettant de capitaliser les résultats connus à ce jour concernant les leviers mobilisables.

Un défi agronomique

[caption id=« attachment_107646 » align=« alignleft » width=« 198 »]

Cuivre : des débats, beaucoup de recherche mais encore peu d’alternatives, selon l’Itab - © D.R.
Cuivre : des débats, beaucoup de recherche mais encore peu d’alternatives, selon l’Itab - © D.R.

Pour Natacha Sautereau, responsable du pôle Végétal-Durabilité de l’Itab, la recherche d’alternative au cuivre « reste un serpent de mer, malgré d’importants efforts depuis une vingtaine d’années ».[/caption]

Pour l’Itab, réduire les doses de cuivre est avant tout un défi agronomique. « La sphère scientifique reste mobilisée, commente Natacha Sautereau, responsable du pôle Végétal-Durabilité de l’Itab. Différents projets, français et européens (2), ont abordé la recherche d’alternatives et se poursuivent sur ce sujet. » En France, c’est le cas du projet Ecophyto Basic, en cours, piloté par la Fnab, qui recense les stratégies bas-intrants en cuivre en viticulture bio en impliquant des réseaux Dephy, des groupes 30 000, des GIEE. « Il s’agit de traquer les innovations sans impact pour le rendement en viticulture bio : tout le défi est de repérer des cas de terrain qui peuvent être relativement efficaces, et de caractériser les différents leviers couplés mis en œuvre, par exemple en s’appuyant sur les préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP), combinées à une prophylaxie améliorée, une pulvérisation optimisée, des outils d’aide à la décision », détaille Natacha Sautereau. En Europe, le projet Coppereplace, en cours, est doté d’un peu plus de 1,6 millions de budget pour 13 partenaires de France, d’Espagne, et du Portugal en vue de trouver des alternatives au cuivre en viticulture.

La recherche reste mobilisée

De fait, aucune solution fiable et généralisable ne ressort encore du lot, comme le notait déjà Inrae dans un état des lieux en 2018. Le marché évolue donc peu, « d’autant que le dossier d’approbation revient entre 3 et 5 M€, et prend plus de 5 ans ; ça n’incite pas les metteurs en marché à inscrire un produit qui n’est pas totalement satisfaisant », glisse Patrice Marchand. Même la piste génétique, pourtant prometteuse, ne résout pas totalement cette complexe équation : sur des souches de vigne sélectionnées par Inrae pour leur résistance au mildiou, des maladies dites « secondaires » en présence de traitements à base de cuivre, comme le black rot, peuvent en effet se développer, nécessitant de fait le recours au cuivre.

Si sa visibilité peut fluctuer en fonction de l’actualité, la prégnance de l’enjeu cuivre ne se dément pas. Les signaux les plus récents ? Après avoir récemment modélisé les évolutions d’usage du cuivre dans une agriculture française à 15 % bio, l’Anses vient ainsi de clore un appel à candidatures d’experts pour former un groupe de travail spécifique. Au programme : analyse des impacts socio-économiques des évolutions de l’encadrement réglementaire de l’utilisation du cuivre en agriculture biologique et conventionnelle, et identification des alternatives chimiques et non-chimiques.

(1) actuellement fixé à 0,15 mg/kg de masse corporelle et par jour.

(2) notamment Repco (2004-2007), 4P (2010-2012), Cofree (2012-2016), Relacs (2018-2022), Organic plus (2018-2022), Coppereplace (2020-2023)