Gestion de l’eau, « la concertation est encore peu pratiquée » selon Inrae
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Alors que les tensions sont très vives autour du partage de la ressource en eau, Inrae appelle à amplifier les concertations autour de cet enjeu. Cet exercice serait en effet encore « le parent pauvre » de la gestion de l’eau en France. Lors d’un point organisé le 13 avril 2023, pour la presse, l’institut a également plaidé pour développer davantage la valeur ajoutée, pour les territoires, des nouveaux ouvrages de stockage de l’eau.
Alors que l’eau est au cœur de l’actualité politique et que les acteurs de la distribution agricole affichent leurs inquiétudes et mobilisation en la matière, Inrae a organisé un temps d’échange avec la presse, le 13 avril, sur la thématique de la gestion de la ressource en eau. Interrogé sur les affrontements largement médiatisés, à Sainte-Soline, fin mars, Sami Bouarfa, directeur adjoint au département Aqua chez Inrae, reconnaît les limites concernant l’exercice de la concertation en France. « Celle-ci est peu pratiquée dans les faits, explique-t-il. La concertation est le parent pauvre du dispositif de gestion de l’eau. » Pour mieux la pratiquer, le chercheur cite comme leviers la mobilisation de davantage de financements en sa faveur et le recours à des bureaux d’études professionnels pour accompagner les discussions. « Cela prend du temps mais peut en faire gagner, dans certains cas, sur d’éventuels futurs conflits. À Sainte-Soline, la concertation a été réalisée de manière traditionnelle et n’a sans doute pas été assez ouverte à l’ensemble des parties prenantes. »
Mieux cerner la valeur ajoutée des ouvrages de stockage
Le chercheur appelle à travailler sur « l’ingénierie de la concertation » pour assurer la transparence des discussions et l’intégration de toutes les parties prenantes. De manière plus générale, Thierry Caquet, directeur scientifique environnement chez Inrae, invite à réfléchir, en amont, à la philosophie des nouveaux ouvrages de stockage de l’eau, pour identifier la « valeur ajoutée » de ces infrastructures. « Parfois, ces ouvrages ne cherchent pas suffisamment à changer le système agricole, ce qui peut mener à des solutions de mal-adaptation. C’est le cas par exemple en Espagne, où les retenues ne se remplissent pas en cas de sécheresse persistante. » Le directeur scientifique plaide également en faveur de la réalisation d’études détaillées sur le rôle des retenues dans la réimplantation d’activités sur un territoire, quand celles-ci assurent plusieurs usages (tourisme par exemple). « Nous ne devons pas démarrer les réflexions directement sur la retenue ; posons nous d’abord la question de ce que l’on souhaite faire collectivement. Et dans le cadre de cette réflexion, les retenues peuvent être une action à déployer. »
« Tout le tissu économique doit évoluer »
En ce qui concerne l’évolution des systèmes agricoles, sur le plan agronomique, l’institut insiste sur le fait que le secteur ne pourra pas avancer tout seul. « Nous ne pouvons pas uniquement raisonner en termes de production en matière de diversification, indique Thierry Caquet. Il faut que ces nouvelles cultures soient achetées, par les coopératives comme par les consommateurs. » Quant à la re-conception géographique des productions, induite par le réchauffement climatique, le directeur scientifique prévient de l’ampleur du défi. « Nous avons mis 50 ans à construire la SAU d’aujourd’hui. Pour se projeter en 2050, tout le tissu économique doit évoluer. » Il prévient également contre la tentation de croire que certaines plantes, comme le maïs, pourraient facilement être substituées par d’autres, moins gourmandes en eau, comme le sorgho. « Toutes les plantes ont besoin d’eau pour germer. Dans les régions où les grandes cultures ne seraient plus rentables, nous pourrions imaginer des productions plus locales, pour relocaliser des filières comme des fruits et légumes. »