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Les coopératives mobilisées sur le sujet de l’accès à l’eau

Le | Projets-territoriaux

Quelques jours après la présentation du Plan eau par Emmanuel Macron, La Coopération agricole a organisé, le 4 avril 2023, une matinée d’échanges et de témoignages sur les enjeux de l’eau dans les filières agricoles et agroalimentaires. L’occasion, pour les intervenants, d’alerter sur les tensions déjà à l’oeuvre sur le terrain, mais aussi de mettre en avant les projets en cours et la volonté d’avancer sur ce sujet, en collaboration avec les acteurs de leurs territoires.

Éric Masset et Dominique Chargé, respectivement président du Comité d’orientation stratégique « Tran - © D.R.
Éric Masset et Dominique Chargé, respectivement président du Comité d’orientation stratégique « Tran - © D.R.

« Nous devons organiser, dans nos coopératives et avec les parties prenantes, le débat autour de la question prioritaire de l’eau. » Intervenant en préambule d’une matinale dédiée à cet enjeu, organisée par La Coopération agricole le 4 avril 2023, son président, Dominique Chargé, a insisté sur la nécessité de « dépassionner » la question de l’eau, et de « changer d’approche » sur la gestion de l’eau. « Nous devons pouvoir stocker au moment où l’eau est abondante, plaide-t-il. Nous allons devoir gérer des adaptations majeures dans les prochaines années. La réglementation sur l’accès à l’irrigation doit évoluer pour rationaliser le débat. » Le président des coopératives françaises réclame ainsi des « garanties d’accès à l’eau » au nom de la souveraineté alimentaire.

Des projets de construction de réserves qui ont du mal à aboutir

Alors qu’en de nombreux points, l’année 2022 est une année record sur le plan climatique (voir encadré), les coopératives ont insisté sur les difficultés déjà rencontrées sur le terrain. « Produire des légumes est très compliqué sans possibilité d’apporter de l’eau en appoint, rappelle Jean-Claude Orhan, président de l’OP légumes d’Eureden. En Bretagne, nous avons la chance d’avoir de l’eau, mais nous n’avons pas les moyens d’accéder à son stockage. »  En effet, la coopérative peine à débloquer des projets de construction de réserves d’eau. Depuis 2017, sur 78 dossiers déposés, seuls six ont abouti. «  Nous mettons beaucoup d’argent dans la réalisation d’études pour monter des dossiers qui n’aboutissent pas, cela crée un certain découragement chez les adhérents, en plus de la pression sociétale liée aux conflits d’usage », regrette Jean-Claude Orhan.

Concertations et essais

Malgré ce contexte singulier, la coopérative bretonne tente de se mobiliser. Dix fermes sont engagées dans un GIEE centré sur les pratiques économes en eau. L’ambition d’Eureden serait d’élargir la démarche à l’ensemble des adhérents. Plus au sud, chez Vivadour, le choix de la concertation a été fait. La coopérative a pris part au Varenne de l’eau et est impliquée dans trois projets territoriaux de gestion de l’eau, PTGE. « De gros moyens ont été mis pour développer un service dédié à cet enjeu en interne, pour déployer des actions en dehors de la coopérative, explique Frédéric Marcato, directeur recherche et développement de Vivadour. Nous sommes assez déçus des résultats par rapport à l’investissement réalisé. » 

Malgré des retours jugés insuffisants, la coopérative poursuit ses essais pour identifier de nouvelles solutions : installation de panneaux solaires pour remplir les retenues, recours à des drones bathymétriques ou au goutte-à-goutte solaire. Sur ce dernier point, « deux panneaux ont permis d’arroser un hectare, et l’économie de 15 % d’eau et 100 % d’énergie », précise Frédéric Marcato.

Pas de problème de volumes, mais de répartition

Dépendante, elle aussi, de l’accès à l’eau pour produire des noisettes de qualité, la coopérative Unicoque a également dû s’organiser. Elle fait ainsi partie du GIE Thematik’eau, créé en 2010, avec une vingtaine d’autres acteurs agricoles du territoire, dont la Chambre d’agriculture, la Cuma du Lot-et-Garonne, Les paysans de Rougeline, Terres du Sud, Cerfrance, Koki, Syngenta ou KWS. L’objectif est de parler d’une même voix pour promouvoir une gestion économe de l’eau, créer des réservoirs de nouvelle génération ou réaliser des pilotes de recharge gravitaire des nappes alluviales. À ce titre, la coopérative participe ainsi à l’étude d’impact cumulé des retenues, menée par l’Agence française de la biodiversité. Les résultats sont attendus pour le mois de juin prochain. « Nous n’avons pas un problème de volume mais de répartition de la ressource », assure Jean-Luc Reigne, le directeur général d’Unicoque.

Forte attente sur la réutilisation des eaux usées traitées

Des températures nettement supérieures à la normale, des précipitations efficaces déficitaires de l’ordre de 50 à 75 %, une sécheresse ayant touché les trois quart du pays. L’année 2022 a mis à rude épreuve les sols et les cultures. « Les sols s’assèchent tout au long de l’année et sont donc plus secs que la normale dès janvier », explique Simon Mittelberger, climatologue chez Météo France. Dans ce contexte et moins d’une semaine après la présentation du Plan eau par Emmanuel Macron, le réseau des coopératives a tenu à rappeler ses attentes en matière de réutilisation des eaux traitées. Le décret pour son déploiement dans l’industrie agro-alimentaire est en cours de consultation publique. « Ce texte va permettre de lever les freins réglementaires », se félicite Mikael Tournaux, responsable marché agroalimentaire chez BWT France.