Le soja bio tente de prendre racine à La Réunion
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Un projet de recherche pour cultiver du soja bio est en cours à La Réunion. Des résultats encourageants sont à noter mais les défis à relever, techniques et logistiques, sont nombreux. Explications avec Françoise Labalette, responsable du pôle amont chez Terres Univia, qui contribue au projet.
L’autosuffisance en soja est un sujet politique mais aussi de recherche majeur, comme en témoigne la récente publication d’une étude menée par Inrae et AgroParisTech. Cet enjeu intéresse aussi l’île de La Réunion, où des travaux sont menés depuis 2021 dans le cadre du programme Cap Protéines. La marche à gravir est haute, aucune référence n’existant pour la culture du soja sur l’île, d’autant plus bio. « Créer ex nihilo demande beaucoup d’efforts, reconnaît Françoise Labalette, responsable du pôle amont chez Terres Univia qui coordonne le projet. Mais ici, nous partons d’une demande et d’une consommation existantes. » Les travaux, conduits sur place par l’Association réunionnaise pour la modernisation de l’économie fruitière, légumière et horticole, Arméfhlor, ont donc pour but premier de délimiter le champ des possibles.
Une demande locale
Les ambitions concernent aussi bien l’alimentation humaine que animale. Sur ce dernier point, qui prend de l’ampleur dans le contexte actuel, la demande vient plus précisément de la filière sur place. « La coopérative qui fournit les éleveurs en aliments à La Réunion fait face à des difficultés d’approvisionnement, indique Françoise Labalette. Le fabricant de soyfood local importe toutes ces graines depuis la métropole, ce ne serait donc pas aberrant de vouloir les cultiver sur l’île. » Pour assurer la viabilité économique de la culture, suffisamment de parcelles doivent être mobilisables, afin d’assurer l’intégralité de l’approvisionnement du fabricant.
Des défis techniques pour la récolte
Mais les défis techniques à relever sont nombreux. « Tout est à faire, nous devons caler les cycles de production, l’idéal étant de pouvoir en définir deux pour avoir une certaine souplesse », précise Françoise Labalette. La question du choix des variétés, qui doivent être non-OGM, se posent également. Reste surtout à résoudre un point crucial : celui de la récolte. « Pour l’instant, compte tenu des faibles surfaces sur lesquelles sont menés les tests, cela se fait à la main, raconte Françoise Labalette. Mais si le soja est adopté par les paysans, il faudra avoir recours à des machines. Or, celles sur place, pour la culture de la canne à sucre, ne sont pas du tout adaptées. Il y a donc toute une réflexion autour de la mécanisation à mener. »
Une seconde récolte plus encourageante
La responsable du pôle amont chez Terres Univia se veut néanmoins optimiste : « Si les premiers résultats étaient mauvais, ceux de la deuxième vague de récolte sont beaucoup plus encourageants, cela donne envie de continuer. » Les variétés les plus performantes vont être resemées lors d’une prochaine vague d’essais. Un paysan réunionnais va par ailleurs mener une expérimentation à plus grande échelle, d’ici à la fin de l’année. Françoise Labalette insiste par ailleurs sur l’intérêt agronomique de cette culture, pour La Réunion. « Faire entrer le soja dans la production horticole locale peut permettre d’enrichir le sol en azote, et de faire un break sanitaire, la culture étant peu sujette aux maladies ou aux attaques d’insectes. »
Un bilan pour fin 2022
Un premier bilan de ces travaux sera réalisé par Terres Univia, au cours du second semestre 2022. « Sur la base des premiers éléments techniques et économiques, nous essaierons d’évaluer sous quelles conditions une filière d’alimentation humaine pourrait être mise en place rapidement, et s’il y a lieu de poursuivre ces efforts en vue de fournir en soja les filières volailles locales, explique Françoise Labalette. Compte tenu du contexte insulaire, il faudra dans tous les cas faire des compromis, soit sur le volet économique, soit sur la sécurité d’approvisionnement. »