Pesticides et santé, l’Inserm propose un classement des présomptions de lien molécule/maladie
Le | Recherche-developpement
L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) publie, ce 30 juin, une expertise collective dans laquelle elle mène une revue critique de quelque 5 200 études portant sur le lien entre l’exposition aux pesticides et les risques pour la santé. Ces liens sont classés comme « faibles », « moyens » ou « forts », mais restent clairement dans le champ scientifique, l’Inserm se gardant de toute recommandation politique.
La très sensible question du lien entre l’exposition aux pesticides et les risques pour la santé humaine est documentée par de nombreux travaux scientifiques. L'Institut national de la santé et de la recherche médicale, Inserm, publie le 30 juin une analyse de quelque 5 200 de ces études. Une expertise menée à la demande de cinq directions générales ministérielles, dont le secrétariat général du ministère de l’Agriculture, en 2018. « Nous abordons le sujet par le spectre « maladie », et non le spectre « molécule », à l’exception de trois cas spécifiques : chlordécone, glyphosate et SDHI », précise Laurent Fleury, responsable du pôle expertises collectives de l’Inserm.
L’Inserm recommande de s’appuyer sur les études les plus récentes
La précédente expertise de ce type menée par l’Inserm datait de 2013. « Depuis, la littérature scientifique s’est enrichie, note Xavier Coumoul, l’un des experts de l’Inserm mobilisés. Plusieurs maladies aujourd’hui documentées ne l’étaient pas, ou peu, en 2013, comme les cancers du sein, de la vessie ou les troubles respiratoires. Nous avons également davantage de données sur les habitants proches de cultures, ou les populations vulnérables, comme les enfants. » L’une des recommandations fortes de l’Inserm est d’ailleurs de s’appuyer sur les données les plus récentes pour aiguiller les mesures de protection des populations, mais aussi de continuer à mener davantage d’études pour toujours mieux préciser le lien entre exposition aux pesticides et santé.
Le lien molécule/maladie classé selon la solidité des présomptions
Car si l’Inserm propose un classement des présomptions de lien molécule/maladie, « faible », « moyen » ou « fort », les experts insistent sur l’hétérogénéité des études, que ce soit dans leurs méthodologies, le type d’exposition évalué et parfois même leurs conclusions. Par exemple, la présomption de lien entre l’exposition au glyphosate et le risque de lymphome non-hodgkinien (LNH) est classée « moyenne », contre « faible » en 2013. Mais Luc Multigner, autre chercheur de l’Inserm, tient à préciser que « la littérature comprend des notions de « dose/réponse » variées, et qu’il existe désormais plusieurs sous-types de LNH étudiés. » Ce qui délaye les conclusions globales.
Même prudence pour les SDHI. Alors qu’il n’existe « pratiquement aucune donnée épidémiologique portant sur les effets possibles de ces substances sur la santé des agriculteurs ou de la population générale », le document conclut à la nécessité de « recherches supplémentaires pour améliorer l’évaluation [de leur] potentiel cancérogène ».
Un exercice scientifique et pas politique
Six types de pathologies ont toutefois été classées comme présentant une présomption « forte » de lien avec une exposition aux pesticides : lymphome non-hodgkinien, myélome multiple, cancer de la prostate, maladie de Parkinson, troubles cognitifs, santé respiratoire (non traitée en 2013). Si les experts attirent l’attention sur ces conclusions, ils se gardent d’aller jusqu’à exprimer des recommandations « politiques ». « Évaluer la pertinence de ZNT, et leur dimension idéale, ou préconiser l’interdiction d’un produit n’est pas dans notre périmètre ! insiste Luc Multigner. Nous abordons le versant scientifique d’une question qui est aussi éminemment sociologique et agronomique ! »
Malgré cette précision, plusieurs réactions, pour le coup très politiques, ne se sont pas faites attendre. Générations futures, par la voix de son président François Veillerette, estime dans un communiqué que le travail de l’Inserm met le gouvernement devant l’urgence « d’agir vraiment pour une réduction forte de l’usage des pesticides », et « d'accélérer le retrait des substances les plus dangereuses en priorité ». D’autres voix se sont élevées… avant même la parution de l’expertise ! France nature environnement l’évoquait ainsi comme un argument dans un communiqué le 28 juin, évoquant la nécessité de débloquer la problématique des chartes de riverains. Le même jour, l’Union des industriels de la protection des plantes (UIPP) se disait attentive aux conclusions alors à venir de l’Inserm, mais rappelait déjà que depuis l’expertise de 2013, « l’écosystème déjà très strict des produits phytopharmaceutiques [s’était] considérablement renforcé pour protéger la santé de tous ».