Pour « sortir des pesticides en viticulture », les chercheurs prônent l’action collective
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Changer de paradigme pour penser la viticulture sans utiliser de produits phytosanitaires. Le programme prioritaire de recherche (PPR) « Cultiver et protéger autrement » a organisé son séminaire en présentiel et simultanément sur trois sites - Beaune, Montpellier et Bordeaux - afin de maximiser les échanges entre chercheurs et professionnels. Un peu plus d’un an après la sélection de 10 projets innovants, le PPR met l’accent sur la coordination entre acteurs.
« Professionnels, soyez indulgents, les chercheurs n’ont pour l’instant pas beaucoup de résultats à vous présenter », annonce Florence Jacquet, directrice scientifique du programme prioritaire de recherche (PPR) Cultiver et protéger autrement, à l’occasion de l’ouverture de la rencontre entre chercheurs et professionnels « Sortir des pesticides en viticulture », le 9 mars. L’événement s’est tenu en présentiel et simultanément sur trois sites - Beaune, Montpellier et Bordeaux - afin d’échanger avec des professionnels de différents bassins viticoles : Aquitaine, Bourgogne, Beaujolais, Jura, Savoie et Languedoc - Roussillon principalement, ainsi qu’avec des participants venus de Provence, de Vallée du Rhône ou encore de Champagne.
Combiner des leviers à efficacité partielle
Pour trouver des alternatives à l’utilisation des pesticides, depuis un peu plus d’un an, le PPR finance 10 projets de recherche, dont VITAE, pour cultiver la vigne sans pesticides, et FAST sur l’action publique pour accompagner la transition vers une agriculture sans pesticides. « Il n’est pas réaliste de penser qu’on peut remplacer les produits phytosanitaires par une solution unique, analogue aussi efficace, aussi robuste, explique François Delmotte, directeur de recherche Inrae. Nous devons remobiliser des leviers mis sous le tapis, du fait de leur efficacité partielle par exemple, ce qui est une très bonne chose pour l’avenir. »
Co-construire les politiques agro-environnementales
De la gestion du risque à la lutte contre la flavescence dorée, en passant par les réseaux Dephy, l’accent est mis sur la coordination entre acteurs, l’organisation collective. « Nous voulons montrer pourquoi elle est indispensable et comment nous pouvons l’envisager », précise Florence Jacquet. Comme le laboratoire d’innovation territorial VitiREV ou encore le projet PollDiff Captages qui propose de co-construire des politiques agro-environnementales innovantes « en partant de rien », comme l’explique Gwénolé Le Velly, enseignant-chercheur à l’Institut Agro de Montpellier : « La méthode des expériences de choix permet d’estimer les montants demandés par les agriculteurs pour s’engager dans des pratiques de réduction des herbicides par exemple, au delà d’une logique pure de surcoût et de manque à gagner. Cette méthode permet aussi de tester des innovations, comme l’année-joker pour mieux gérer les risques et attirer les agriculteurs vers des MAEs plus exigeantes en termes de cahier des charges. » Un projet qui fait écho à l’expérimentation PSE menée par les Agences de l’Eau qui s’appuie également sur une co-construction territoriale
La biostimulation pour augmenter l’efficacité des SDP
D’un point de vue plus technique, cette journée a aussi permis de faire un état à date du développement de démarches prophylactiques, par exemple pour rompre le cycle sexué du mildiou afin de limiter les épidémies dans les vignobles, ou encore de la biostimulation et de son effet sur les stimulateurs des défenses des plantes (SDP). « Oui, la biostimulation peut augmenter l’efficacité d’un SDP, explique Sophie Trouvelot, enseignante-chercheuse à l’Université de Bourgogne. Nous devons maintenant explorer les potentialités des biostimulants qui sont autres, en particulier l’amélioration à la contrainte des stress abiotiques, comme le stress hydrique. »
Un changement de paradigme collectif
Stratégies agroécologiques innovantes, gestion collective du risque, nouvelles méthodes de lutte préventives, développement de variétés résistantes ou encore identification de nouveaux agents de biocontrôle, les solutions sont en marche pour penser la viticulture sans pesticides. Mais la solution technique seule ne suffira pas, comme le rappelle François Delmotte en conclusion : « Il faut que les politiques publiques intègrent l’aversion au risque des viticulteurs et leur préférence pour des actions collectives. Le changement de paradigme ne se fait pas de manière individuelle, il se déclenche à travers des réseaux, coopératives et groupes, qui représentent les leviers les plus puissants pour l’avenir. »
« Je ne sais pas si le réseau participatif est une garantie, en tout cas c’est une nécessité »
Marc Raynal de l’Institut français de la vigne et du vin explique que l’évaluation des risques repose sur des démarches collectives pour réaliser un travail d’enquête permanent en temps réel, permettant d’obtenir une masse critique d’informations
Le PPR Cultiver et Protéger Autrement
Lancé en 2019 par le Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation et par le Secrétariat Général pour l’Investissement, le Programme Prioritaire de Recherche « Cultiver et Protéger Autrement » est doté de 30 millions d’euros permettant le financement de 10 projets de recherche pour une durée de 6 ans. Financé par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) et piloté par l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), ce programme a pour ambition de développer des connaissances de rupture visant le développement d’une agriculture plus performante et durable, pour permettre l’émergence, à terme, d’une agriculture sans pesticides. Cette ambition rejoint celle de la Commission Européenne dans le cadre du Green Deal, de réduire de moitié la part des pesticides en agriculture d’ici à 2030.