Produire des crédits carbone sur la ferme : le compte n’y est pas toujours
Le | Recherche-developpement
50 exploitations agricoles ont testé CarbonExtract, l’outil développé par Agrosolutions, pour mesurer les quantités de crédits carbone produites et à quel coût. Surprise, il n’y a pas de vraie logique ! S’engager dans la transition bas carbone n’est pas toujours rentable. D’où l’intérêt de réaliser un diagnostic précis.
Combien une exploitation peut-elle produire de crédits carbone ? Quelles stratégies mettre en place pour en produire plus ? À quel coût ? C’est pour répondre à ces questions qu’Agrosolutions a testé, sur une cinquantaine d’exploitations, son outil CarbonExtract. « Première conclusion : certains résultats sont contre-intuitifs. Nous avons eu de vraies surprises, prévient d’entrée Édouard Lanckriet, responsable innovation et transition bas carbone au sein d’Agrosolutions. D’où la nécessité de réaliser un diagnostic précis, à l’échelle de chaque ferme. La deuxième phase du process consiste à tester différents changements de pratiques pour quantifier leur impact sur la production de crédits carbone. »
Actionner le bon levier
Autre enseignement de l’étude : « difficile d’activer à la fois le levier « baisse des émissions de carbone » et celui responsable de « l’augmentation du stockage du carbone », poursuit-il. Si pour le premier, le facteur le plus impactant est la réduction des apports d’engrais minéral azoté, pour le stockage, ce qui joue le plus, c’est l’augmentation de la production de biomasse. Or, pour avoir davantage de biomasse, il faut souvent mettre plus d’engrais ! Tout est question d’équilibre. »
L’agriculture de conservation, en bonne place
Les exploitations qui génèrent le plus de crédits carbone sont celles tournées vers l’agriculture de conservation. « Leur action pour stocker le carbone est un réel plus dans le bilan, constate Édouard Lanckriet. À l’inverse, en produisant moins de biomasse, les exploitations bio affichent de moins bon résultats. Ces premiers résultats permettent, via des simulations, d’identifier des mesures correctives. »
Entre 0,2 et 1,5 crédit C produit/ha/an
« Dans nos essais, les exploitations en grandes cultures, conduites en conditions réelles, produisent entre 0,2 et 1,5 crédit carbone/ha/an : la moyenne se situant entre 0,3 et 0,5. Ces chiffres ne sont pas élevés, constate-t-il. Sachant qu’un crédit correspond à une tonne d’équivalent CO2 (téquCO2). Même s’il est variable d’une exploitation à l’autre, le coût de revient du crédit carbone se situe quant à lui entre 50 et 120 €. Un chiffre qui tient compte du coût des intrants, de l’amortissement du matériel, du coût du travail à 20 €/ha… Sachant qu’actuellement, un crédit carbone se négocie entre 30 et 50 €, le bilan est rapide : le compte n’y est pas toujours. D’où la nécessité de réaliser un diagnostic avant de se lancer pour connaître le potentiel réel d’une exploitation », insiste-t-il.
Déploiement de l’outil en vue
Validé en début du mois d’octobre 2021, CarbonExtract est aujourd’hui utilisé par près de 120 conseillers de terrain. « Les demandes sont très nombreuses et les formations s’enchainent, précise-t-il. Y compris dans le monde de l’agro-industrie. L’outil est déjà opérationnel en grandes cultures et haies. Il devrait prochainement l’être pour l’élevage, la vigne et l’arboriculture. »