Produits phytosanitaires, un système réglementaire dysfonctionnel
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Des critères réglementaires en constante évolution, des désaccords scientifiques entre États membres, un manque d’experts conduisant à des retards conséquents d’évaluation… Le processus européen de mise sur le marché des substances actives et des produits phytosanitaires fonctionne mal. Et laisse l’innovation en panne. Tour d’horizon des problèmes et des solutions potentielles.
Seulement deux substances actives phytosanitaires conventionnelles ont été approuvées au niveau européen depuis 2019. Les molécules disparaissent peu à peu, mais rien de nouveau n’arrive. Les dossiers de demande d’approbation de nouvelles substances actives ne sont pas prioritaires. Ils sont noyés dans le flot de demandes de renouvellement d’approbation d’anciennes molécules, dont les évaluations prennent de plus en plus de retard, faute, entre autres, d’un nombre d’experts suffisant.
Les portefeuilles des agrochimistes sont donc complétés par des seconds noms, des génériques, de nouvelles associations de substances actives existantes ou de nouvelles formulations. Et plus de la moitié des usages du catalogue français sont non ou mal pourvus. Ce qui conduit à des arrêts de production et à des importations.
Appel au retour d’une approche bénéfices/risques
Pour les responsables des homologations des différentes sociétés agrochimiques, le système réglementaire européen relatif à l’autorisation des substances actives et des autorisations de mise sur le marché (AMM) s’avère bel et bien dysfonctionnel.
Tous s’accordent sur le fait que la réglementation européenne relative aux produits phytosanitaires est, depuis l’adoption du règlement (CE) n° 1107/2009, la plus exigeante et la plus contraignante au niveau mondial. L’approche, fondée sur le danger et non le risque, conduit à l’interdiction de nombreuses molécules. Un retour à une approche bénéfices/risques prenant en compte les innovations dans les techniques d’application est plaidé. Il permettrait de sauvegarder quelques substances actives conventionnelles.
Les experts appellent également à une meilleure efficacité de l’approche zonale. Car actuellement, les procédures ne sont pas harmonisées. Et en raison, entre autres, de désaccords scientifiques entre États membres, les distorsions de concurrence se développent.
Renforcer les conditions d’emploi au lieu d’interdire
Malgré les difficultés rencontrées pour voir autorisées leurs solutions phytosanitaires, les responsables des homologations soulignent un début d’écoute, tant au niveau européen que français, de la part des agences d’évaluation. L’exemple du glyphosate, ou encore du prosulfocarbe, sont plutôt encourageants : en cas de doute non avéré, la volonté semble davantage d’éviter l’interdiction, en restreignant, si nécessaire, les conditions d’emploi.
« La révision des lignes directrices relatives aux évaluations concernant les personnes présentes et les riverains est au programme de travail de l’Anses pour 2024, informe Julien Durand-Réville, responsable santé chez Phyteis. Les enseignements du projet Capriv, sur la limitation des dérives, ou encore les données sur les Systèmes de transfert fermés, vont, entre autres, aider à intégrer de nouveaux moyens de réduction des risques dans les documents guide européens. En acceptant par exemple l’existence de buses offrant une réduction de dérive supérieure à 50 %, ce qui correspond à la limite actuelle, certains usages pourraient être sauvegardés. »
Retrouvez l’intégralité de l’article, avec les témoignages de responsables des homologations de quatre sociétés phytosanitaires, dans notre Mag Phytos/Semences à paraître le 30 novembre 2023.