« Cérès s’inscrit dans la stratégie d’Euralis, qui investit dans le conseil », Claude Carniel, Euralis
Par Stéphanie Ayrault | Le | Projets de territoire
Le projet Cérès se positionne comme un démonstrateur territorial clé dans la transition agroécologique, face aux défis du changement climatique et aux attentes croissantes en matière d’agriculture durable. Porté par Euralis et financé dans le cadre de France 2030, il vise à accompagner progressivement 400 exploitations agricoles vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement. Il explique à Agro Matin comment cette transformation va s’opérer.
Présentez-nous le projet Cérès ?
Cérès est un démonstrateur territorial de transition agroécologique. Il est porté par Euralis et a démarré le 05/06/2024. Il prévoit de déployer cette transition sur 400 fermes du département des Pyrénées-Atlantiques.
Nous visons 400 fermes en 2030.
Aujourd’hui, nous sommes dans la phase de maturation du projet et avons associé cinq exploitations agricoles, que nous appelons les fermes pilotes. Ce sont les précurseurs : c’est avec eux que nous allons réfléchir à des sujets comme l’irrigation, les technologies innovantes ou encore de nouvelles formes de rotation des cultures. Ces exploitations sont déjà engagées dans des démarches de transition agroécologique. Il n’y a rien de mieux pour convaincre un agriculteur que de lui montrer ce qu’un autre agriculteur a mis en place.
En année deux, nous pourrions viser entre 50 et 100 agriculteurs, pour atteindre 400 en 2030. C’est un projet plutôt orienté grandes cultures. Mais dans le département, il y a aussi une forte présence de l’élevage, qui fait partie du paysage agricole. Il nous faut aussi des fermes basques et béarnaises, représentatives du territoire des Pyrénées-Atlantiques.
Comment le projet est-il financé ?
Nous présenterons un budget de 11 millions d’euros pour la phase de réalisation.
Ce projet entre dans la ligne 6 du programme France 2030, qui porte sur une alimentation durable, traçable et saine. Sur les 54 Md€ du programme, 2 Md€ sont consacrés à cette thématique.
Nous avons candidaté à l’appel à manifestation d’intérêt « Démonstrateurs territoriaux des transitions agricoles et alimentaires » au printemps 2023, et nous avons été lauréats au printemps 2024. Nous avons reçu un financement de la Banque des Territoires, qui pilote les projets France 2030 liés à la transition agroécologique. Nous avons signé une convention de financement le 07/10/2024, avec un budget sur un an de 600 000 euros de dépenses, dont 300 000 euros de subventions. Les actions menées depuis le mois de juin sont donc financées et sécurisées dans le cadre de cette convention.
La phase de maturation s’étale jusqu’à l’automne 2025, où nous allons soutenir la poursuite du projet devant la Banque des Territoires et expliquer tout ce sur quoi nous avons travaillé. Nous présenterons un budget de 11 M€ pour la phase de réalisation, qui durera cinq ans, jusqu’en 2030. Nous espérons que la moitié sera prise en charge par des financements publics, qui seront répartis entre les différents partenaires du projet. Il va falloir que nous soyons convaincants.
Le projet réunit aussi la Région Nouvelle-Aquitaine, le département des Pyrénées-Atlantiques, la communauté d’agglomération Pau Béarn Pyrénées, Wiuz, Inrae, Terres Inovia, Bordeaux Sciences Agro et Toulouse INP Ensat.
Quels sont les enjeux de Cérès ?
L’objectif est de répondre aux enjeux sociétaux et d’aller vers une alimentation plus saine, avec une diminution des produits phytosanitaires, une préservation de la ressource en eau et de la biodiversité. Mais il faut aussi que l’agriculture soit pérenne. Aujourd’hui, la population agricole en France vieillit et diminue.
Il faut une agriculture durable, qui réponde aux enjeux de la transition écologique et qui rémunère correctement les agriculteurs. C’est une agriculture qui doit créer de la valeur à partager, dans des filières contractualisées, de façon aussi équitable que possible, pour que tout le monde en bénéficie.
Quels sont les leviers technologiques du projet ?
Il existe aujourd’hui des technologies qui sont très peu utilisées, car elles ont des coûts importants. Le financement va nous permettre d’y accéder plus facilement. Par exemple, il est possible de piloter les apports d’engrais avec des « tracteurs intelligents », qui vont déverser la bonne dose au bon endroit dans un champ. La densité de semis peut être ajustée si l’agriculteur a la capacité d’analyser la nature de son sol. Enfin, la rotation des cultures doit être repensée sur le long terme.
Nous sommes dans un secteur dominé par la monoculture du maïs, mais il faut réfléchir à d’autres systèmes plus résilients.
Nous sommes dans un secteur dominé par la monoculture du maïs, mais il faut réfléchir à d’autres systèmes plus résilients.
Quelles sont les prochaines étapes ?
Nous organisons des comités de pilotage toutes les cinq à six semaines. Ce projet s’inscrit pleinement dans la stratégie d’Euralis, qui a choisi d’investir dans le conseil. La transition agroécologique ne pourra pas se faire sans un bon accompagnement, basé sur des connaissances partagées.
La formation des conseillers est un axe clé du projet : nous devons continuer à améliorer leur niveau de compétences, notamment sur les questions agroécologiques, en poursuivant les efforts engagés en matière de formation lorsque la coopérative a fait le choix du conseil dans le cadre de la loi sur la séparation de la vente et du conseil des produits phytosanitaires. Nous avons fait le choix d’accompagner nos agriculteurs dans un monde qui change, avec une demande sociétale qui évolue.
Nos conseillers seront par exemple là pour expliquer pourquoi le semis direct peut être intéressant, comment appliquer des microdoses de fertilisant au bon endroit, ou encore tester une nouvelle variété de maïs.
Comment convaincre les agriculteurs d’adopter ces changements ?
Si nous voulons préserver la qualité de l’eau potable, nous devons faire attention à l’utilisation des produits phytosanitaires. Nous sommes sur une trajectoire de transition. Mais pour accompagner ce changement, nous devons former les agriculteurs. Et pour cela, nous avons besoin de moyens. Cette dynamique que nous avons enclenchée nécessite des ressources, et l’État nous accompagne.
Nous ferons changer les pratiques si nous sommes capables d’expliquer le pourquoi du comment.
Nous voulons anticiper plutôt que subir. Il vaut mieux être parmi les acteurs de l’agriculture qui réfléchissent aux alternatives, plutôt que de rester à côté. Nous pensons que le bon moyen d’y parvenir, c’est le conseil. Nous ferons changer les pratiques si nous sommes capables d’expliquer le pourquoi du comment. Nous pouvons imposer des changements par des décisions réglementaires, mais nous voyons bien que cela crée des réticences. Nous, nous choisissons une approche pédagogique et de moyen terme.