Agrostratégie

« Recruter les talents qui accompagneront les transformations », S. Windsor, Chambres d’agriculture


Réélu à la présidence de Chambres d’agriculture France le 19 mars 2025, Sébastien Windsor revient sur les priorités de son nouveau mandat. Entre adaptation au changement climatique, simplification des normes et attractivité des métiers agricoles, il détaille pour Agro Matin les évolutions nécessaires pour mieux soutenir les agriculteurs dans un contexte en pleine mutation.

« Recruter les talents qui accompagneront les transformations », S. Windsor, Chambres d’agriculture
« Recruter les talents qui accompagneront les transformations », S. Windsor, Chambres d’agriculture

Quels sont les principaux enseignements du scrutin au niveau national ?

Dans plusieurs territoires français, le monde agricole traverse une crise profonde liée à de nombreux facteurs. Le changement climatique frappe particulièrement certaines zones, notamment les territoires intermédiaires à faible potentiel, qui subissent de plein fouet des incidents climatiques répétés année après année. En métropole, la diagonale allant de l’Occitanie aux Ardennes, en passant par l’Yonne, est l’une des plus affectées. Ce sont aussi les zones dans lesquelles l’accès à l’eau est limité, ce qui alimente la colère des agriculteurs.

Deux secteurs sont également en crise :

  • La viticulture traverse une situation sans précédent, avec des difficultés structurelles qui ne relèvent pas d’une simple crise de marché et pourraient être aggravées par des décisions internationales, notamment celles des États-Unis.
  • Le secteur du bio est, lui aussi, sous tension, avec des producteurs contraints de vendre leurs produits à des prix proches de ceux du conventionnel, malgré des coûts de production plus élevés. Face à ces difficultés, le monde agricole exprime son désarroi et attend des solutions concrètes.

Recentrer les efforts sur le développement agricole, en tenant compte des enjeux de revenus, d’optimisation des exploitations et de gestion des charges de travail.

Un autre point majeur de tension réside dans l’excès de normes imposé aux agriculteurs. Beaucoup ont le sentiment de passer plus de temps à se conformer aux réglementations qu’à développer leur activité. Certains, dépassés par cette surcharge administrative, en viennent à attendre les contrôles sans même tenter d’anticiper les mises en conformité. Si l’accompagnement réglementaire a permis d’éviter des situations critiques pour certains exploitants, il est aujourd’hui essentiel de redonner des perspectives aux agriculteurs. Cela signifie recentrer les efforts sur le développement agricole, en tenant compte des enjeux de revenus, d’optimisation des exploitations et de gestion des charges de travail. L’objectif n’est pas seulement de répondre aux contraintes normatives, mais aussi d’écouter, soutenir et accompagner durablement les agriculteurs dans leur évolution.

Quels sont les principaux axes de travail sur la prochaine mandature ?

Il est essentiel aujourd’hui de retrouver une véritable capacité à accompagner les projets des agriculteurs et à les aider à structurer leur développement. Jusqu’à présent, l’accompagnement a été fortement marqué par la mise en conformité avec les normes et des conseils techniques au quotidien. Désormais, nous devons adopter une approche plus globale de l’exploitation agricole, en ne nous positionnant plus uniquement comme des prescripteurs de solutions, mais comme des accompagnateurs dans la réflexion et la prise de décision des agriculteurs. Cette approche doit être similaire à celle adoptée lors de l’installation des jeunes agriculteurs, en s’appliquant également aux exploitants plus expérimentés pour leur permettre de relancer et faire évoluer leurs projets.

Il est impératif de construire une boîte à outils et une méthodologie adaptées au changement climatique.

Un deuxième enjeu majeur concerne l’adaptation au changement climatique. Il est impératif de construire une boîte à outils et une méthodologie adaptées pour accompagner les agriculteurs face aux évolutions climatiques, avec une vision territoriale et une collaboration étroite avec les acteurs économiques. Cette adaptation passera par des changements de variétés cultivées, de pratiques culturales, d’aménagements des bâtiments agricoles, voire de changement de culture, pour faire face aux nouvelles contraintes climatiques.

Comment relever ces défis ?

La montée en compétences des conseillers agricoles est nécessaire, avec des formations renforcées. Il faut aussi garantir l’attractivité du réseau des chambres d’agriculture pour recruter et conserver les meilleurs talents capables d’accompagner ces transformations. Ce travail passe également par une meilleure structuration des ressources humaines, afin de maintenir une équipe compétente et engagée.

Sensibiliser le public sur la nécessité d’un consentement à payer une alimentation de qualité.

Un autre défi est celui de la communication. Le monde agricole est aujourd’hui peu nombreux et souvent mal compris par la société. Autrefois, chaque famille avait un lien direct avec un agriculteur, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui : moins de 5 % des nouvelles générations ont un proche dans le secteur. Si nous ne prenons pas en charge cette mission de communication et de pédagogie, l’image de l’agriculture restera figée dans des représentations simplistes, comme celles que l’on trouve dans les livres d’images des écoles. Il est donc indispensable de faire entendre la voix des agriculteurs et d’expliquer la réalité de leur métier, l’importance du maintien de l’élevage, les efforts environnementaux déjà réalisés et les contraintes économiques auxquelles ils font face. Sensibiliser le public sur la nécessité d’un consentement à payer une alimentation de qualité est également un enjeu clé, car derrière chaque produit, il y a un agriculteur qui doit pouvoir vivre de son travail.

Enfin, il est impératif de renforcer la présence sur le terrain. Si des mutualisations de certaines fonctions support peuvent permettre de générer des économies, celles-ci doivent être réinvesties pour maintenir, et même accentuer, la proximité avec les agriculteurs. L’accompagnement quotidien, la formation et le suivi doivent rester au cœur des missions, avec un niveau de qualité significatif.

Pour donner de véritables perspectives aux agriculteurs, il faudra également impulser des projets de territoire en fédérant collectivités, coopératives et acteurs locaux. Ces projets peuvent inclure le développement de la mécanisation, du photovoltaïque, de nouvelles productions biosourcées, ou encore la mise en place d’ateliers volailles pour valoriser les céréales et améliorer la fertilité des sols dans des zones où l’élevage est déficitaire. C’est en structurant et en accompagnant ces dynamiques locales que nous pourrons réellement soutenir les agriculteurs et assurer la pérennité de leurs exploitations.

Concepts clés et définitions : #Chambres d’agriculture