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Cap Protéines, appel à la poursuite des travaux pour créer une réelle « lame de fond »

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Donner des clés de réussite pour atteindre l’objectif du Plan protéines, à savoir le doublement des surfaces cultivées en protéines végétales d’ici à 2030 : c’était l’ambition du projet Cap Protéines, lancé au printemps 2021 et clôturé en grandes pompes le 31 mai 2023, lors d’un colloque à Paris. Si de nombreux projets ont été lancés dans les territoires et que de premiers résultats sont affichés, les porteurs du projet, Terres Inovia et l’Idele, ont insisté sur la nécessité de poursuivre les travaux.

Jean-Louis Peyraud, directeur scientifique adjoint en charge de l’agriculture chez Inrae ; Cédric Pa - © D.R.
Jean-Louis Peyraud, directeur scientifique adjoint en charge de l’agriculture chez Inrae ; Cédric Pa - © D.R.

C’est le volet recherche et développement du Plan protéines, lancé en décembre 2020 : le programme Cap Protéines, mené durant deux ans, a été officiellement clôturé le 31 mai 2023 par Terres Inovia et l’Institut de l’élevage, qui portent l’initiative. « Ce furent deux années de travail acharné, la masse de résultat est impressionnante », lance en introduction Gilles Robillard. Le président de Terres Inovia rappelle les objectifs ambitieux posés par le Plan protéines : atteindre 88 % d’autonomie protéique dans les élevages, doubler les surfaces dédiées aux cultures végétales, pour atteindre les 2 millions hectares, soit 8 % de la SAU.

Lien entre végétal et animal, fil rouge de Cap protéines

L’accent a particulièrement été mis, lors des prises de parole, sur le couplage à réaliser entre les filières végétales et animales. « Le programme s’appelle Cap Protéines, mais il aurait aussi pu être nommé Cap azote, assure Jean-Luc Peyraud, directeur scientifique adjoint à l’agriculture chez Inrae. Le défi est celui d’une double autonomie. Pour subvenir aux besoins de l’alimentation animale, 2 Mha de soja devraient être cultivés, il y a un gros potentiel. » En effet, les chiffres parlent d’eux-mêmes : sur les 3,8 Mt de tourteau de soja consommés en France en 2020, 3,5 Mt ont été importés.

Se passer des importations semble donc, pour l’heure, compliqué, souligne Crédic Pasco, responsable du dossier protéines chez Saipol, qui esquisse néanmoins une piste de réflexion : « La France exporte 4 Mt de maïs, soit la production de 400 000 hectares. Une partie de ces surfaces, dédiées à l’exportation, pourrait être reconverties pour cultiver du soja. Cela pourrait permettre d’augmenter jusqu’à un million de tonnes la production française de soja. » La filiale d’Avril place également des espoirs dans l’optimisation des tourteaux de colza et de tournesol. « Notre objectif, avec le projet Décoproze, est de produire, à l’horizon 2028, des graines avec la même teneur en huile, mais une plus grande teneur en protéines. Nous ambitionnons également de faire du tourteau de tournesol very high pro. »

Combler des lacunes au niveau du conseil

Si la production de connaissances est essentielle pour atteindre les objectifs fixés par le Plan protéines, leur transfert vers les exploitants, mais aussi leurs conseillers, est essentiel. En Alsace, une région à forte dominante maïs, la Chambre d’agriculture a engagé un projet, il y a deux ans, pour gagner en compétence technique sur l’irrigation du soja. « Nous avons identifié sur notre territoire une demande en conseil technique sur cette culture, relate François Lannuzel, conseiller en agronomie à la Chambre d’agriculture d’Alsace. Deux plateformes d’essais ont été mises en place pour mieux comprendre comment piloter au mieux l’irrigation du soja. « Des tours de plaines ont été organisés pour communiquer sur ce sujet et sur l’importance du soja dans les rotations alsaciennes », précise le conseiller. Un réseau de suivi de parcelles chez une dizaine d’agriculteurs a été créé pour poursuivre ces travaux. Interrogé sur l’impact de la récurrence des épisodes de sécheresse, le conseiller s’est montré rassurant : « Ce travail s’est concentré en plaine, au-dessus de la plus grande nappe phréatique d’Europe, la problématique de l’eau n’est pas encore un problème, assure François Lannuzel. Tant que nous pourrons faire du maïs en Alsace, nous pourrons faire du soja. »

Assurer le partage des connaissances

Le défi est donc bien maintenant celui de l’enclenchement de dynamiques territoriales, comme cela existe déjà dans certaines régions, avec les initiatives Fileg ou Leggo. « Nous savons déjà faire plein de choses, pourtant nous accusons un déficit de production, constate David Gouache, directeur de la recherche chez Terres Inovia. Nous devons créer cette lame de fond pour convaincre tous les producteurs que c’est possible, et cela passe notamment par la communication. »

Comme ils l’avaient indiqué à mi-parcours, lors de l’édition 2022 du Salon de l’agriculture, les porteurs du programme appellent donc à poursuivre les travaux. « Nous souhaitons aller plus loin pour que les techniciens et les conseillers qui accompagnent les agriculteurs aient conscience que les protéines végétales ne sont pas une vue de l’esprit mais une vraie richesse », plaide Martial Marguet, le président de l’Idele.