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Crédits carbone, les financeurs en quête de confiance et de transparence

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Confiance, transparence et réelle utilité : voilà les garanties recherchées par les entreprises avant d’acheter des crédits carbone. C’est ce qu’ont expliqué les intervenants d’une table ronde, organisée le 25 mai, dans le cadre du lancement de l’interprofession de la finance carbone, Climate agriculture alliance.

Stéphane Billotte, agriculteur ; Emmanuelle Paillat, Head of  Climate chez Parfums Christian Dior ;  - © D.R.
Stéphane Billotte, agriculteur ; Emmanuelle Paillat, Head of Climate chez Parfums Christian Dior ; - © D.R.

Qu’est-ce qu’un bon crédit carbone ? « Selon moi, les crédits carbone doivent allier confiance, une bonne rémunération de l’agriculteur et l’assurance, pour l’entreprise financeuse, que l’argent dépensé va bien au stockage du carbone », répond Paul Luu, secrétaire exécutif de l’initiative 4 pour 1000, à l’occasion du lancement, le 25 mai, de l’interprofession de la finance carbone Climate agriculture alliance, une « proto-interprofession » qui souhaite renforcer la confiance dans le secteur de la finance durable. Les éventuels financeurs de crédit carbone semblent en effet avoir besoin d’être rassurés avant de s’engager, comme en témoigne la mise en relation encore parfois compliquée d’agriculteurs et de structures souhaitant compenser leurs émissions en France. « Un bon crédit carbone est un crédit certifié par des tiers de confiance, et dont on peut mesurer l’impact concret », abonde Emmanuel Haudebourg, directeur administratif et financier chez Advens, une entreprise de cybersécurité.

« Etre sûr que notre argent est utile »

Si peu d’entreprises compensent aujourd’hui leurs émissions via des crédits carbone français, les choses commencent à bouger. Advens est ainsi en train de finaliser l’évaluation de son empreinte carbone. Elle prévoit ensuite d’acheter des crédits carbone pour être neutre d’ici à 2023. « Cela nous intéresse de financer des projets locaux, pour soutenir les agriculteurs qui réalisent leur transition dans nos territoires », poursuit Emmanuel Haudebourg. Cette dimension locale intéresse également des poids lourds, tels que Parfum Christian Dior. 200 tonnes de carbone, pour 8500 €, ont déjà été achetés auprès de TerraTerre, membre de la Climate agriculture alliance. « Le département développement durable de l’entreprise a deux ans, il y a encore tout à faire », insiste Emmanuelle Paillat, à la tête du département « Climat » de l’entreprise depuis quatre mois. Sa mission est en effet ambitieuse : diviser par deux les émissions de gaz à effet de serre du groupe d’ici à 2030. Elle, aussi, insiste sur la notion de transparence, pour qualifier un bon crédit carbone. « Nous voulons savoir où notre argent va, et être sûr que notre financement a accéléré le projet soutenu, qu’il est utile. »

Soutenir les agriculteurs dans la durée

Reste la question centrale du prix. Le coût moyen d’une tonne de carbone en France varie entre 30 et 50 euros, soit près de cinq à dix fois plus qu’à l’étranger. Pourtant, selon Stéphane Billotte, agriculteur pratiquant l’agriculture de conservation des sols, cela n’est pas encore suffisant pour attirer massivement les exploitants. « 50 € la tonne, c’est déjà bien, ça a le mérite d’exister, mais pour motiver massivement il faudra plus. Si on ne met pas le prix maintenant on le paiera plus tard », assure-t-il, en plaidant en faveur de l’instauration d’une taxe carbone et des déclarations extra-financières, dans les entreprises. Ces dernières ne sont effet pas les seuls à avoir besoin d’être rassurées. « Pour les agriculteurs, la mise en œuvre de pratiques stockant du carbone représente de gros investissements de départ pour un retour non-immédiat, et sur une temporalité beaucoup plus longue que celle, annuelle, à laquelle ils sont habitués », souligne Gauthier Bordenave, ingénieur des sols vivants chez Gaïago.