« Mieux comprendre les mécanismes de transfert des pesticides dans l’air pour améliorer les pratiques », Laetitia Prévost, Chambre d’agriculture Grand-Est
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La création, cet été en France, d’un dispositif de suivi annuel et national des pesticides dans l’air, témoigne de la montée en puissance de cet enjeu. Au delà de ces suivis, les chambres d’agriculture travaillent sur la compréhension des mécanismes de transfert dans l’air en analysant les pratiques agricoles, comme le rappelle Lætitia Prévost, chargée d’études « Qualité de l’air et agriculture » à la Chambre d’agriculture du Grand-Est.
La présence de pesticides dans l’air, en France, est de plus en plus évoquée et documentée. Un dispositif de suivi annuel et national des pesticides dans l’air a ainsi été lancé en juillet. Il fait suite à la Campagne nationale exploratoire de mesure des résidus de pesticides dans l’air ambiant, CNEP (2018-20). Si ce dispositif a une vocation de surveillance avant tout, certains acteurs appréhendent le sujet avec un spectre plus analytique et appliqué.
Faire le lien entre les pulvérisations et les pesticides dans l’air
Le projet Casdar Repp’air (2016-20) suivait cette logique. Lætitia Prévost, chargée d’études « qualité de l’air et agriculture » à la Chambre d’agriculture du Grand-Est, travaille actuellement sur la finalisation des livrables de ce projet, attendus pour octobre 2021. « L’idée était de mettre en regard les mesures locales d’Associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (Aasqa) avec des enquêtes sur les pratiques de pulvérisation réalisées par les chambres d’agriculture dans six régions (1), en lien avec Inrae et l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris) », resitue-t-elle.
Les mesures hebdomadaires, réalisées pendant 20 à 25 semaines, sur des sites sélectionnés selon le type de cultures implantées, ont abouti à ce classement :
- substances actives utilisées sur le site (enquête sur un rayon de 1 km), mais non détectées dans l’air, « qui représentent une majorité des cas », selon Lætitia Prévost ;
- substances actives utilisées sur le site et quantifiées dans l’air durant la période de traitement ;
- substances actives utilisées sur le site et quantifiées dans l’air y compris après la période de traitement, « ce qui suggère une volatilisation et un transfert lent » ;
- substances actives a priori non-utilisées sur le site, mais tout de même quantifiées, avec deux interprétations possibles : un transfert depuis une zone voisine, ou un possible défaut dans les enquêtes réalisées, celles-ci ne couvrant pas systématiquement les pratiques de l’ensemble des parcelles du périmètre étudié.
Limiter les transferts en aiguillant les pratiques
Partant de cette typologie, Repp’air a permis de lister plusieurs facteurs d’influence sur le transfert des matières actives dans l’air : les caractéristiques physico-chimiques des molécules, les quantités appliquées ou encore la formulation des produits. Repp’air met aussi le doigt sur des critères à approfondir : « Pour les effets dus à la formulation des produits, nous les avons établis, mais sans pouvoir les caractériser, précise Lætitia Prévost. Et nos données indiquent que d’autres facteurs restent encore à identifier. Enfin, la météo, qui joue un rôle avéré, n’a pas pu être analysée avec notre jeu de données. »
Orienter le conseil agricole
Le projet avait une vocation très appliquée : orienter le conseil agricole vers les pratiques limitant la présence de produits phytosanitaires dans l’air. « Il est déjà positif de noter que l’on peut influencer ces transferts, réagit Lætitia Prévost. La réduction des doses, par exemple, déjà préconisée pour répondre à d’autres enjeux, a un effet direct. » Des fiches de bonnes pratiques seront publiées en octobre, en vue d’une diffusion dans les réseaux des chambres et des Aasqa, aux réseaux Ecophyto, et plus largement dans le monde agricole. « Et nous restons mobilisés pour donner une suite à Repp’air et étudier des leviers pratiques permettant de réduire les transferts dans l’air, complète Lætitia Prévost. Cinq des six régions ont candidaté à un nouvel appel à projets Casdar, malheureusement sans succès. Mais nous restons mobilisés pour revoir notre copie et postuler à nouveau, y compris via d’autres guichets de financement. »
(1) Grand-Est (chef de fil), Auvergne-Rhône-Alpes, Bretagne, Centre-Val-de-Loire, Nouvelle Aquitaine, Pays de la Loire.