Protection des cultures, Christian Huyghe plaide en faveur de la régulation biologique
Le | Recherche-developpement
Auditionné par la Commission des affaires économiques du Sénat, le 5 avril 2023, Christian Huyghe est intervenu sur les problématiques liées au retrait de substances actives phytosanitaires et sur les solutions apportées aux agriculteurs. Le directeur scientifique agriculture d’Inrae a insisté sur la nécessité de revenir à des systèmes de production assurant la restauration des services écosystémiques.
Comment imaginer des systèmes de production qui permettent à la fois d’assurer une performance productive, économique, de répondre à la demande des consommateurs et d’améliorer notre incidence sur l’environnement, le tout en relevant les grands défis que sont le changement climatique et la restauration de la biodiversité ?
Pour répondre à cette question, lors de son audition par la Commission des affaires économiques du Sénat, le 5 avril 2023, Christian Huyghe, directeur scientifique agriculture d’Inrae, s’est servi de l’exemple du Plan national de recherche et d’innovation (PNRI) « vers des solutions opérationnelles contre la jaunisse de la betterave sucrière ».
Jouer sur « n » leviers en même temps
Destruction des repousses pour réduire le réservoir viral, utilisation de variétés résistantes, suivi des populations de pucerons avec des OAD, implantation de plantes compagnes en fonction des dates d’arrivée des pucerons, application de Kairomones comme répulsif et si besoin d’un insecticide de synthèse. « Il nous faut désormais jouer sur « n » leviers en même temps, a expliqué Christian Huyghe. Ce qui est plus compliqué pour l’agriculteur, mais permet de restaurer une régulation biologique. La population de pucerons n’est pas réduite à zéro, mais régulée. »
Le directeur scientifique agriculture d’Inrae a mis en avant la nécessité de changer d’attitude, d’innover… et de proposer une assurance financière aux producteurs lorsque les conditions climatiques conduisent à une forte pression parasitaire. « Une telle assurance est en projet dans le cadre du PNRI », a-t-il souligné.
Le rôle des applications numériques est présenté comme un levier de la transformation. Dans le cadre des discussions relatives au pacte et loi d’orientation et d’avenir agricoles, (PLOAA) une idée a été suggérée : pourrait-on envisager des packages d’OAD à mettre à la disposition des agriculteurs au moment de leur installation ? « Les OAD actuels sont partiels et répondent à un problème spécifique, a noté Christian Huyghe. Comment peut-on faire des ensembles plus globaux pour intégrer des approches systémiques ? »
Mettre en place une vraie stratégie sur l’innovation
Pour Christian Huyghe, une vraie stratégie sur l’innovation est à mettre en place. « Les innovations sont d’ordre biotechnique, d’ordre organisationnelle, mais elles sont également à gérer dans les territoires et dans la réglementation », a-t-il précisé. Concernant l’innovation au niveau réglementaire, le directeur a donné l’exemple des homologations de microbiotes végétaux, qui ne se font que par souche, alors que les besoins nécessitent un mélange de souches.
Le directeur scientifique agriculture d’Inrae a énuméré les travaux suivis par l’Institut dans le cadre de la stratégie d’accélération « Systèmes agricoles durables et équipements agricoles contribuant à la transition écologique » (Sadea) : les trois programmes de recherche prioritaires sur la réduction d’utilisation de pesticides, sur l’agroécologie et le numérique, sur la sélection végétale, et les deux grands défis sur le biocontrôle et les biostimulants ainsi que sur la robotique agricole, qui sera lancé en mai.
« Nous ne travaillons pas sur la recherche de molécules chimiques de demain, a précisé Christian Huyghe. D’une part parce qu’elle est antinomique avec la volonté de retrouver de la régulation biologique, et d’autre part parce qu’il faut chercher autre chose car les modes d’action sont peu nombreux, le dernier a été trouvé en 1994. » Pour le directeur scientifique agriculture, l’ensemble de la panoplie de solutions actuelles va être contournée, les apparitions de résistances vont se multiplier.
Travailler les trajectoires alimentaires
Christian Huyghe a également abordé la problématique de la diversification des cultures, avec laquelle peuvent être récupérés des services environnementaux. Les bénéfices se retrouvent sur la production, la régulation et la fertilité des sols. « Mais si vous diversifiez, encore faut-il que quelqu’un consomme », a-t-il relevé. Pour le directeur scientifique agriculture, il faut chercher à analyser simultanément l’évolution de la production et l’évolution de la consommation. « Les trajectoires alimentaires font partie des éléments importants, qui relèvent à la fois des choix, de l’éducation et de l’offre. » Selon lui, « on ne pourra pas faire ce que l’on veut en production si on ne réfléchit pas à la trajectoire de consommation ».
Anticiper
Quels travaux entreprendre pour éviter les impasses techniques ? « Il ne faut pas attendre que la stimulation arrive de l’extérieur et qu’il soit trop tard. Il ne faut pas non plus ouvrir tous les chantiers en même temps. » Pour Christian Huyghe, il faut savoir identifier les sujets à traiter obligatoirement, même s’ils ne sont pas critiques aujourd’hui. « Nous en avons discuté, notamment avec la présidente de l’Acta, dans le cadre de la préparation du PLOAA en cours d’élaboration au ministère de l’Agriculture : ne faut-il pas avoir, comme nous avons eu un Conseil scientifique pour le Covid, un Conseil scientifique de l’agriculture et de l’alimentation, qui soit une sorte de vigie sur les sujets qu’il faut ouvrir ? » Et le directeur scientifique agriculture de relever la nécessité d’avoir une stabilité du signal politique.