Green deal, la Commission européenne ne veut pas d’une révision des objectifs
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La crise ukrainienne bouleverse la stratégie agricole et environnementale de l’UE. Alors que le commissaire européen à l’agriculture s’est montré ouvert à la révision des objectifs fixés par le Green deal, le vice-président de la Commission européenne a, quant à lui, réagi en appelant à ne pas dévier de cette trajectoire.
Le contexte géopolitique actuel, lié à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, a ravivé les inquiétudes sur la mise en œuvre du Green deal, et les éventuelles baisses de la production agricole induites, soulignées dans plusieurs études. Alors que certains États membres et syndicats agricoles demandent à ce que ses objectifs soient révisés, le vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, a qualifié « d’erreur historique » cette éventualité, lors de son audition par la commission environnement du Parlement européen, le 7 mars. « Je vous invite à ne pas croire que vous contribuerez à la production alimentaire en mettant de côté le volet durabilité, en vous écartant de la stratégie Farm to fork, a-t-il plaidé. Le Green deal et le paquet Fit for 55 ne sont pas moins urgents aujourd’hui, bien au contraire, ils le sont d’autant plus en raison des défis que nous sommes appelés à relever. Nous devons réduire notre dépendance aux approvisionnements qui viennent notamment de la Biélorussie et de la Russie, c’est-à-dire réduire la dépendance à la potasse, aux engrais, aux pesticides. »
Le commissaire européen à l’agriculture évoque une révision des objectifs
Une position sans équivoque, qui tranche avec celle, plus mesurée, du commissaire européen à l’agriculture, Janusz Wojciechowski. Ce dernier s’exprimait le 2 mars, suite à une réunion informelle des ministres en charge de l’agriculture, sur la question ukrainienne. Tout en affirmant que les stratégies du Green deal ne « pouvaient pas être laissées de côté » et que l’ambition d’atteindre ses objectifs devait demeurer l’ambition de l’UE, le commissaire n’a pas fermé la porte à une éventuelle révision des objectifs du pacte vert. « Si nous voyons que ces objectifs sont mis à mal et s’il faut rectifier le tir à la suite d’une analyse, bien sûr, nous le ferons. » Et d’insister : « Nous ne sommes pas en train de remettre en cause ces stratégies, mais il faut que la production agricole et la sécurité alimentaire en Europe soient garanties. »
Une « priorité absolue » également affichée par la FNSEA. Dans un communiqué daté du 2 mars, le syndicat appelle à « remettre en question la logique de décroissance » portée par Farm to fork, mais aussi l’obligation inscrite dans la Pac post-2023 de consacrer 4 % à des surfaces dites « non productives ». Dans son allocution, Janusz Wojciechowski a pour sa part évoqué l’éventualité que les surfaces en jachères soient utilisées pour cultiver des protéagineux. « Je ne peux encore rien vous dire de définitif, mais tout cela va être examiné. »
Les ONG vent debout contre un possible aménagement du Green Deal
Les propos du commissaire européen ont fait du bruit du côté des ONG. Dans une lettre ouverte envoyée le 10 mars à la Commission européenne, 90 associations européennes insistent sur la nécessité de poursuivre la mise en œuvre du Green Deal, et de ses stratégies pour l’agriculture et la biodiversité. « La modération de la stratégie Farm to fork maintiendra la dépendance de l’Europe vis-à-vis des sources d’énergie non-renouvelables telles que les combustibles fossiles, et ira à l’encontre de ce qui est nécessaire actuellement pour assurer la sécurité alimentaire pour tous », assure le collectif. Un point de vue partagé par 26 associations françaises, qui ont adressé une lettre, le même jour, au président de la République et au ministre de l’Agriculture. Elles s’opposent notamment au souhait exprimé par la FNSEA de mettre en production les 4 % de terres en jachères. « Nous vous demandons de ne pas affaiblir les rares normes environnementales pour prétendument régler la crise actuelle dans l’urgence et dans un réflexe d’affolement court-termiste, sans la moindre vision de ce que pourrait être un modèle alimentaire européen, souverain et compatible avec les enjeux environnementaux et internationaux majeurs. »