Dans un contexte économique fragile, Euralis prône la mutualisation des outils entre coopératives
Avec un chiffre d’affaires en recul sur 2023-2024, Euralis mise sur des partenariats stratégiques et des réformes structurelles pour renforcer sa compétitivité. La coopérative réorganise ses activités, s’engage dans la décarbonation des filières agricoles et multiplie les projets dans les énergies renouvelables. Elle espère un assouplissement de la séparation de la vente et du conseil des produits phytosanitaires.

« Les outils coopératifs doivent s’adapter à la baisse du nombre d’agriculteurs et aux demandes plus pointues des agriculteurs, qui sont de véritables chefs d’exploitation. Les stratégies de partenariats sont évidentes pour des questions économiques et de carbone. La mutualisation semble indispensable aujourd’hui », indique Philippe Saux, directeur général d’Euralis, lors de la présentation des résultats du groupe le 6 février 2025.
Mutualisation avec Arterris et Vivadour
Pour travailler avec une autre coopérative, il faut y aller par petites touches.
Sur la collecte, la coopérative a engagé depuis trois ans un partenariat avec Arterris sur les zones frontalières aux deux structures. Depuis cette campagne, elle coopère avec Vivadour sur un site de collecte. « Pour travailler avec une autre coopérative, il faut y aller par petites touches, car cela est complexe, poursuit le directeur. Mais tout le monde fait le constat que nous perdons de l’argent sur la collecte : il faut que les coopératives se mettent autour de la table pour réfléchir ensemble à optimiser les outils. Il faut pour cela de la maturité, mais nous y sommes presque. »
Un chiffre d’affaires de 1,57 Md€
Côté chiffres, Euralis enregistre sur l’exercice 2023-2024 un chiffre d’affaires de 1,57 Md€, en recul de 0,7 % en un an (1,58 Md€ en 2022-2023). La rentabilité opérationnelle du groupe s’améliore avec une progression de l’Ebitda de 6 M€, à 97 M€ (91 M€ en 2022-2023), mais le résultat net, qu’Euralis a choisi de ne pas communiquer, est « en zone fragile ». Le pôle agricole a réalisé 552 M€, le pôle canards, 250 M€, le pôle traiteurs, 184 M€, le pôle semences, 448 M€, et les partenariats, 87 M€.
Euralis a engagé des réformes structurelles pour faire face à cette hausse du coût de l’argent et diminuer les stocks
« La hausse de l’Ebitda n’est pas suffisante. Même si la récolte 2023 a vu une nette augmentation des volumes par rapport à l’année 2022, marquée par la sécheresse, il a fallu faire face à des charges supplémentaires dues au portage de stocks plus importants et à des situations de marchés d’exportation fermés, notamment en Russie. C’est pourquoi Euralis a engagé des réformes structurelles pour faire face à cette hausse du coût de l’argent et diminuer les stocks. Les impacts à court terme se connaissent déjà », indique Philippe Saux.
Des collaborations stratégiques
Euralis poursuit sa politique d’ouverture vers de nouvelles collaborations stratégiques :
- La montée en puissance de la production de légumes secs avec Bonduelle répond à une demande croissante des consommateurs pour des produits sains, durables et issus de filières locales.
- Le partenariat avec Lur Berri pour la commercialisation des bovins a pour ambition de renforcer la filière bovine du Sud-Ouest, de consolider de façon durable la totalité de la chaîne de valeur et de la maintenir localement.
- La prestation d’abattage pour Delpeyrat (Groupe Maïsadour) en Vendée, qui a débuté en janvier 2025, permet d’optimiser l’outil industriel des Herbiers.
« Quand on travaille en filière, nous devons faire la vente et le conseil »
S’il y a un assouplissement de la loi, nous deviendrons actionnaires à 100 % de Distrialis
Le groupe, qui a choisi le conseil, espère un assouplissement de la séparation de la vente et du conseil. Celui-ci est promu dans le cadre de la proposition de loi Duplomb-Menonville.
« Après trois ans de choix de conseil, nous remarquons que quand on ne vend plus de phytos, l’année d’après on ne vend plus la semence, et celle d’après, c’est la collecte. Quand on travaille en filière, nous devons faire la vente et le conseil », insiste Philippe Saux.
Pour s’engager dans le conseil, Euralis a filialisé en décembre 2021 la vente de produits phytosanitaires au sein de Distrialis, où elle possède 10 % du capital. « S’il y a un assouplissement de la loi, nous deviendrons actionnaires à 100 % de Distrialis », livre Philippe Saux.
Le pôle semences impacté par la fermeture du marché russe
Face à la fermeture brutale du marché russe, conséquence directe du conflit russo-ukrainien, la filière semences d’Euralis a dû revoir en profondeur sa stratégie. « Les semenciers français et européens avaient l’habitude de travailler avec la Russie, un marché clé pour nos exportations, mais tout cela s’est arrêté du jour au lendemain. Trouver d’autres débouchés n’est pas une tâche aisée », indique Christophe Congues, président d’Euralis, qui a mis en place un plan d’économies et de réallocation des moyens dès octobre 2024. « Des stocks élevés et coûteux, des marges en recul, et des frais financiers en hausse ont rendu cette réorganisation inévitable », poursuit-il. Ce plan a notamment conduit à l’adaptation de la capacité industrielle, avec la fermeture du site de Caussade, touchant 80 salariés.
L’entreprise recentre ses efforts sur les espèces les plus prometteuses
Dans ce contexte difficile, l’entreprise recentre ses efforts sur les espèces les plus prometteuses. « La variété de maïs grain Milady, désormais dans le top 3 des ventes françaises avec 110 000 doses écoulées, en est un bel exemple. De son côté, la campagne colza 2024 a permis à Lidea de doubler ses parts de marché en France, atteignant désormais 13 % », poursuit le président.
Semences : des essais aux États-Unis et en Afrique
Les signes sont très positifs pour l’activité semences, même si les nuages noirs du conflit en Ukraine continuent de peser sur l’horizon.
Des essais prometteurs se poursuivent aux États-Unis et en Afrique pour ouvrir de nouveaux marchés. Par ailleurs, l’entreprise explore activement des partenariats pour continuer à opérer, même indirectement, en Russie. « Les signes sont très positifs pour l’activité semences, même si les nuages noirs du conflit en Ukraine continuent de peser sur l’horizon », ajoute Christophe Congues.
De fortes ambitions sur les centrales photovoltaïques
Euralis poursuit le développement des énergies renouvelables. L’activité photovoltaïque d’Eurasolis confirme sa progression : 47 centrales photovoltaïques sont mises en service en 2023-2024 sur les exploitations pour 2,5 MWh, 100 sont prévues en 2024-2025 pour 5 MWh et 200 en 2025-2026 pour 10 à 15 MWh.
L’activité Point Vert gagne des parts de marché, dans un marché en recul de 5 %. La marque « La Table des Producteurs » poursuit sa croissance (+4,6 %), confirmant l’attrait des consommateurs pour les produits en circuit court et de qualité.
Un retour des ventes de foie gras
Aujourd’hui nous sommes à 6 millions de canards abattus, et ce chiffre sera durablement un chiffre haut, alors que nous étions à 12 millions de canards il y a quelques années.
Le pôle canards doit se restructurer. « Aujourd’hui, nous sommes à 6 millions de canards abattus, et ce chiffre sera durablement un chiffre haut, alors que nous étions à 12 millions de canards il y a quelques années. Il nous faut faire des réajustements industriels », indique Philippe Saux. Un projet de transformation a été initié en décembre 2024 ; il conduirait à l’arrêt des activités du site de Sarlat, soit 70 personnes concernées.
« Le déploiement efficace du vaccin et ces innovations produits ont permis de sécuriser la production de canards et de performer lors de la saison festive 2024 où les Français sont revenus à la consommation de foie gras. Sur la période de novembre et décembre 2024, les volumes ont augmenté de 10 % et nos ventes de foie gras ont connu une hausse de 20 % », indique Christophe Congues, président d’Euralis.
Engager les agriculteurs dans la décarbonation
Sur l’exercice 2023-2024, le groupe s’est engagé dans la démarche SBTI avec l’ambition de réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Après le pôle agricole, le pôle semences et le pôle canards ont quant à eux initié la démarche Décarbon’Alim, pour définir et mettre en œuvre leur feuille de route bas carbone.
« Nous aidons les agriculteurs à s’engager dans la décarbonation de leurs exploitations : intégration de protéagineux ou de soja dans les cultures ; mise en place de pratiques de non-labour ; utilisation de couverts végétaux notamment fournis par Lidea et capables de stocker du carbone pour remplacer les fertilisants », indique Philippe Saux.
Ceres illustre la volonté d’Euralis de privilégier le conseil.
Euralis cite également en exemple le lancement du projet Ceres, en 2024 avec le Conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques et 12 autres partenaires (Agglomération Pau Pyrénées, Région Nouvelle-Aquitaine, INRAE, Terres Inovia, Bordeaux Sciences Agro, ENSAT Toulouse, WIUZ et 5 fermes pilotes Euralis), un démonstrateur territorial de transition agroécologique financé par BPI France.
« Ceres illustre la volonté d’Euralis de privilégier le conseil et l’accompagnement des agriculteurs vers une agriculture durable, combinant des nouveaux systèmes de culture, des agrofournitures, des techniques alternatives et l’agriculture de précision. L’objectif est de proposer toutes les offres de conseil d’Euralis », précise Philippe Saux.