Clauses miroirs, la Commission ouvre la porte mais des précisions sont attendues pour les pesticides
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La position de la Commission européenne sur le sujet était très attendue. Le 3 juin, l’instance a publié un rapport où elle s’exprime sur la réciprocité des normes. Elle y donne un accord de principe, mais prudent, en faveur de l’instauration de mesures miroirs au cas par cas. Des précisions sont néanmoins attendues, notamment par FNH et l’institut Veblen, auteurs d’un rapport sur cet enjeu, sur l’application de ces mesures aux pesticides.
C’était l’une des priorités portées par la présidence française de l’UE, et l’un des rares sujets à faire l’unanimité, aussi bien au sein du secteur agricole que du côté des ONG. Le 3 juin, la Commission européenne a publié son rapport, très attendu, sur la réciprocité des normes. Intitulé « Application des normes sanitaires et environnementales de l’Union aux produits agricoles et agroalimentaires importés », le document a été rédigé à la demande du Parlement et du Conseil européens, en juillet 2021, lors des négociations sur la Pac. Les deux instances souhaitaient en savoir plus sur « la faisabilité juridique de l’application des normes sanitaires et environnementales de l’Union aux produits agricoles et agroalimentaires importés ».
Un avis favorable mais prudent
Dans son rapport, la Commission conclut qu’il est « possible d’étendre aux produits importés les normes de production de l’UE, à condition que cela soit fait dans le respect des règles de l’OMC ». Le document précise ainsi que « l’Union peut aussi prendre des mesures de façon autonome lorsque cela est nécessaire pour répondre aux enjeux environnementaux mondiaux ou aux questions de bien-être animal ». L’instance insiste néanmoins sur la nécessité de « procéder à une analyse au cas par cas ».
FNH et l’institut Veblen saluent le rapport
La Fondation pour la nature et l’Homme (FNH) et l’institut Veblen, auteurs avec Interbev d’un rapport appelant à la mise en œuvre de mesures miroirs, « se réjouissent », dans un document d’analyse du rapport de la Commission, des conclusions de l’instance. Celles-ci qui confirment leurs analyses : « il est politiquement utile et juridiquement possible d’exiger le respect, pour les produits importés, de standards environnementaux et sanitaires minimums », afin d’atteindre les objectifs du Pacte vert européen et de la stratégie Farm to fork, assurent les deux organisations.
Des positions plus fermes attendues sur les pesticides
Ces dernières soulignent cependant plusieurs « angles morts », avec en premier lieu l’absence de feuille de route sur les produits phytosanitaires, comme l’avaient demandé les ministres européens de l’environnement. « Le rapport ne contient pas d’éléments nouveaux sur la question des importations traitées avec des pesticides interdits dans l’Union et sur les limites maximales de résidus (LMR) », indiquent ainsi FNH et l’institut Veblen. Aucune précision sur la mise en œuvre ou le calendrier n’est apportée, en ce qui concerne l’engagement de la Commission, dans le cadre de la stratégie Farm to fork, de tenir compte des aspects environnementaux dans le cadre de l’évaluation des demandes de tolérances à l’importation pour des pesticides non approuvés dans l’UE.
Les deux organisations estiment également que le rapport « ne relève pas les incohérences du cadre juridique européen », qui permet d’octroyer des dérogations pour avoir recours à des « substances considérées trop dangereuses » (article 53 du règlement pesticides), ou encore d’exporter depuis l’UE des pesticides interdits par la réglementation européenne. Pour FNH et l’institut Veblen, ces dispositions fragilisent l’instauration et la légitimité des mesures miroirs. Elles appellent à ce que ces questions, tout comme celle des LMR, soient soulevées et intégrées au projet de règlement sur l’utilisation durable des pesticides, qui doit prochainement être examiné.
Des prochaines étapes encore à définir
D’autres faiblesses sont également soulignées, comme une « analyse juridique incomplète », un « défaut d’articulation avec la politique commerciale », ou une « articulation insuffisante avec la politique de développement ». « Les prochaines étapes restent donc encore assez largement à définir, posent FNH et l’institut Veblen. Au-delà des mesures déjà envisagées dans le cadre du Pacte Vert telles que le projet de règlement sur la déforestation importée, il importe de fixer des objectifs précis et ambitieux à atteindre dans le cadre des textes annoncés, notamment sur la durabilité des systèmes alimentaires et le bien-être animal. »