Ne pas instaurer les clauses miroirs serait un « déni de démocratie », assure Denormandie avec Interbev et FNH
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Ministres de l’agriculture et députés européens, ONG, avocats, universitaires… un panel d’intervenants très divers étaient réunis, le 10 février, à l’occasion d’un événement organisé par Interbev, FNH et l’institut Veblen, dans le cadre de la présidence française de l’UE. Objectif : faire front commun sur la nécessité de mettre en place des clauses miroirs, alors que la Commission européenne doit rendre un rapport, courant mars, précisant sa position sur le sujet.
C’est l’une des expressions martelées inlassablement par le ministre de l’Agriculture, depuis le début de la présidence français de l’Union européenne. Après y avoir recours pour parler du carbone, quelques jours plus tôt, Julien Denormandie a de nouveau appelé, le 10 janvier, à « créer un momentum politique » autour des clauses miroirs, priorité de l’Hexagone lors de sa présidence de l’UE. Les lignes sont en train de bouger, à en croire les nombreux intervenants de l’événement dédié organisé à Bruxelles par Interbev, la Fédération pour la nature et l’Homme (FNH) et l’institut Veblen, alliés sur le sujet depuis la publication d’un rapport commun en mars 2021. Trois ministres de l’Agriculture (France, Espagne, Autriche) et dix députés européens de différents bords politiques, représentant six États membres, ont en effet pris la parole pour appeler à une plus grande cohérence entre les politiques commerciales et agricoles européennes. « Le Parlement et le Conseil européens ont voté la mise en œuvre des clauses miroirs, ne pas les mettre en œuvre serait un déni de démocratie », a ainsi posé Julien Denormandie, assumant un « discours direct ».
Priorités sur les antibiotiques et les LMR
De l’accord de l’ensemble des intervenants, des avancées pourraient être obtenues rapidement sur le sujet des antibiotiques de croissance. Une victoire possible à court terme, selon le ministre français. « C’est un enjeu de bon sens », plaide-t-il. La France a, d’ores et déjà, missionné un expert auprès de la Commission pour accélérer sur ce sujet. Autre combat pour Julien Denormandie : profiter de la révision actuelle de la directive Sud sur l’utilisation durable des pesticides pour « faire le lien » avec les limites maximales de résidus (LMR). « L’OMC a montré que c’était possible, il n’y a pas d’arguments juridiques qui nous empêcherait de passer un cap sur les LMR », insiste-t-il. L’objectif serait de les abaisser « au seuil de détection pour tous les pesticides interdits par l’UE, avant une interdiction plus stricte des substances et pratiques bannies par la réglementation européenne », selon la proposition formulée par les trois structures organisatrices.
Un sujet qui rassemble
Si la bataille pour l’instauration de clauses miroirs n’est pas terminé, le sujet a le mérite de rassembler. « Nous nous sommes longtemps sentis seuls sur le sujet, pose Jean-François Guihard, le président d’Interbev. Nous travaillons désormais avec des acteurs de la société civile, des ONG, et nous sentons le ministre déterminé sur le sujet. » Pas toujours en phase avec Julien Denormandie, de son propre aveu, le député européen Les Verts Benoît Biteau salue toutefois l’initiative portée par le ministre : « C’est un sujet qui nous tient à cœur, nous sommes enfin dans un momentum où nous avons l’espoir d’aboutir. » Pour sa part, Éric Andrieu, député européen PS, se félicite que la PFUE mette ce sujet en avant : « Ce n’est plus le moment des vœux pieux, nous devons prendre conscience que l’on peut agir et arrêter d’avoir peur des mesures sanctions. Notre principale arme est le marché européen. »
Refondre les règles de l’OMC
« Je suis ce sujet depuis longtemps et j’affirme que les choses avancent, il y a eu de grandes évolutions au sein du Parlement européen », confie de son côté Jérémy Decerle, député européen Renew. Reste à voir ce que dira la Commission européenne. Sa position devrait être plus claire suite à un « preliminary report » attendu en mars, sur la manière dont les politiques commerciales peuvent être un élément de réussite de la stratégie Farm to fork. Le sujet sera par ailleurs mis sur la table lors du Conseil agriculture du 21 février. « Nous avons démontré qu’imposer la réciprocité était possible juridiquement, il n’est plus possible de se cacher derrière cet argument », appuie Julien Denormandie. Une position à laquelle Éric Andrieu apporte toutefois une nuance : « Les mesures miroirs ne règleront pas tout, nous ne pourrons pas passer à côté d’une refonte des règles de l’OMC, la PFUE doit amorcer cela. »