Phyto et biodiversité, Noé pointe du doigt des lacunes dans les évaluations d’impact
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En se penchant sur différentes démarches de qualité du secteur alimentaire d’une part, et sur la réglementation en vigueur d’autre part, l’association Noé estime que le lien entre pesticides et impacts sur la biodiversité y est insuffisamment analysé. L’ONG souhaite mettre en avant ce défaut, et centraliser les données scientifiques existantes mais non utilisées.
« La biodiversité semble rester le parent pauvre des évaluations préliminaires à l’homologation des produits phytosanitaires, mais aussi des cahiers des charges mis en place par les filières agroalimentaires. » Le constat est signé Enzo Armaroli, chargé de mission biodiversité agricole chez Noé. Il s’appuie sur un travail mené par quatre étudiants d’AgroParisTech, réalisé entre octobre 2022 et février 2023 pour le compte de l’association.
La santé humaine prend le pas sur la biodiversité
Ils ont mené cette analyse sur deux fronts. D’un côté, ils ont interrogé des acteurs de filières ayant construit des chartes ou grilles d’analyse d’impact de la production alimentaire, notamment Zéro résidu de pesticides, Filière CRC ou Agromousquetaires. De l’autre, une approche plus réglementaire a été suivie à partir d’entretiens avec les ministères de l’Agriculture et de la Transition écologique, l’Anses, ou encore la DG santé de la Commission européenne. Inrae a également contribué.
« La prise en compte de la biodiversité est disparate selon les structures interrogées, note Enzo Armaroli. Globalement, dans le secteur agroalimentaire comme dans la réglementation, quand les pesticides sont abordés, c’est la santé humaine qui est prioritaire. Le fait que la DG santé soit en charge des procédures d’homologation, en Europe, en dit long. » Sans nier l’importance de cet enjeu, le chargé de mission constate que l’attention portée à la biodiversité est insuffisante. « Il y a des trous dans la raquette, des taxons totalement mis de côté, comme les papillons, estime-t-il. La mention abeille instaure une obligation de traiter la nuit au détriment des espèces nocturnes, peu voire pas étudiées. » Comme d’autres ONG, Noé déplore une approche des évaluations globalement réductrice, oubliant certains effets sur la biodiversité (effets cocktails, chroniques, indirects, etc.).
Vers une démarche collective pour créer et rassembler des données
Partant de ce point de départ, l’association souhaite contribuer à la création d’une démarche collaborative visant à combler les trous. « Dans certains cas, les données existent mais sont difficilement accessibles, explique Enzo Armaroli. Dans d’autres, des extrapolations de travaux scientifiques sont envisageables. Il est possible, enfin, d’inviter les scientifiques à mener des recherches sur certaines espèces. » Noé souhaiterait réunir toute structure ou organisme prêt à participer à ces différentes tâches.
La présentation récente de l’outil Toxibees, un site proposant de comparer les pesticides en fonction de leur impact sur les abeilles, selon les usages, donne des idées à Enzo Armaroli. « Dupliquer ce modèle à l’ensemble des compartiments de biodiversité, c’est évidemment un idéal, commente-t-il. Mais la première étape, c’est déjà d’attirer l’attention sur les lacunes actuelles. » En ce sens, et tout en réfléchissant à la création d’une initiative collective, deux leviers sont déjà activés. Noé passe par le Club Agata, groupe de réflexion animé par l’association, pour sensibiliser différents acteurs des filières alimentaires (1). Au rayon réglementaire, l’ONG siège au comité de suivi des AMM de l’Anses, où elle compte remonter le sujet.
(1) AGPB, Agri-confiance, Agromousquetaires, Barilla, Filière CRC, Mondelez, Nouveaux champs.