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Programme nitrates, des aménagements qui ne convainquent pas totalement le secteur

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Suite à la publication des arrêtés définissant les contours des programmes d’actions national et régionaux dédiés aux nitrates, le secteur agricole se montre partagé. S’il a eu gain de cause sur certains enjeux, d’autres points continuent de susciter des inquiétudes. Les discussions pour définir les programmes d’actions, en régions, concentrent désormais toutes les attentions.

Programme nitrates, des aménagements qui ne convainquent pas totalement le secteur
Programme nitrates, des aménagements qui ne convainquent pas totalement le secteur

La profession agricole n’avait pas caché son mécontentement quant à la proposition du Gouvernement concernant le septième programme d’actions national nitrates, l’été passé, suite à sa mise en consultation. Mi-janvier, le président de Chambres d’agriculture France, Sébastien Windsor, avait laissé entendre que les négociations avec les ministères de l’Agriculture et de la Transition écologique, étaient proches de leur dénouement. La publication, le 9 février, des arrêtés définissant les contours des plans d’action national et régionaux, lui a donné raison. Plusieurs ajustement ont été réalisés.

Allongement du calendrier pour l’apport d’azote sur colza

La profession a ainsi eu gain de cause sur le calendrier d’épandage de l’azote sur colza, désormais permis jusqu’au 15 octobre, contre le 1er septembre initialement, dans une limite de 30 unités d’azote, sous forme minérale. Ce report du calendrier était une demande forte des organisations agricoles depuis près de deux ans. « À compter du 1er septembre 2027, cette disposition ne pourra s’appliquer que si l’actualisation des connaissances scientifiques et techniques a démontré l’absence de risques de lixiviation supplémentaires, et que les effets de cette disposition du point de vue des apports totaux d’azote et des traitements insecticides sur la culture de colza ont été documentés », indique néanmoins l’arrêté.

« Nous avons obtenu quelques avancées de bon sens agronomique, comme ce qui concerne l’apport d’azote à l’automne. Mais nous notons aussi des durcissements, sur le sujet de l’argile et des zones d’actions renforcées »

Eau, les chambres veulent renouer le dialogue avec les citoyens - © D.R.
Eau, les chambres veulent renouer le dialogue avec les citoyens - © D.R.

Luc Servant

Président de la Chambre d’agriculture de Nouvelle-Aquitaine.
En charge du dossier environnement à Chambres d’agriculture France

Un rétropédalage insuffisant sur l’argile, selon la profession

L’autre cheval de bataille mis en avant par la profession agricole, durant les négociations, porte sur les taux d’argile permettant des exemptions au semis de couverts. L’arrêté indique que « la couverture des sols en interculture longue peut ne pas être rendue obligatoire uniquement pour des sols à très forte teneur en argile ». Cette dernière est fixée à 37 % d’argile dans la terre fine, après décarbonatation. Un chiffre qui était jugé bien trop élevé par les organisations agricoles. L’arrêté introduit, en réponse, un seuil intermédiaire à 31 %, pour les régions où le taux d’argile est moins élevé. Un assouplissement en demi-teinte : si le texte initial ne prévoyait pas d’exemption, le seuil plancher fixé à 31 % est cependant plus élevé que celui existant aujourd’hui, établi à 25 %. Luc Servant, en charge du dossier environnement au sein de Chambres d’agriculture France, évoque ainsi un « durcissement » en la matière.

Vigilance sur la rédaction des programmes régionaux 

Les regards sont désormais braqués sur les programmes d’actions régionaux, qui doivent être à leur tour négociés et affinés dans les territoires. «  Nous serons vigilants à ce qu’ils ne durcissent pas ce qui a été obtenu au niveau national », glisse Luc Servant.

En Bretagne, les discussions devraient être entamées entre fin mars et début avril. « Nous suivons ce qui se passe au niveau national, mais cela révolutionne peu la réglementation locale », indique Edwige Kerboriou, vice-présidente en charge de l’agriculture à la Chambre d’agriculture régionale. Cette dernière souligne son intérêt par le dispositif de flexibilité agrométéorologique, introduite dans l’arrêté PAR (programmes d’actions régionaux nitrates). « Quand la météo n’est pas au rendez-vous, aujourd’hui, nous devons faire des demandes de dérogations qui passent rarement, rappelle-t-elle. Ce dispositif, qui devrait prendre la forme d’un outil numérisé, permettra au réglementaire de se calquer à la réalité du terrain. » L’annexe précisant les modalités précises de ce dispositif doit encore être publiée. Celui-ci devrait pas s’appliquer avant 2024.

Le décret ZAR bientôt publié

Dernier point de vigilance : les zones d’actions renforcées, ZAR, dont le décret est actuellement entre les mains du Conseil d’État. Sa publication ne devrait donc plus tarder. Le texte, mis en consultation en juillet dernier, prévoit d’élargir la définition de ces zones, pour inclure les captages dont les teneurs en nitrates sont au dessus de 40 mg/L, contre 50 actuellement. Au grand dam des organisations agricoles. Les mesures à mettre en place seraient également plus nombreuses. « Nous souhaitons que, dans ce cadre, seul le sujet de l’azote soit abordé et non les phytosanitaires, qui ne dépendent pas des PAR », souligne pour sa part Edwige Kerboriou.

Déception du côté des ONG

« Nous sommes très déçus, mais pas étonnés. » Dans les rangs d’Eau et Rivières de Bretagne, la publication des arrêtés encadrant les programmes d’actions nitrates est un échec. « Sur l’argile, l’arrêté va moins loin que le projet initial, dont l’ambition était déjà jugé trop faible par l’Autorité environnementale pour assurer le bon état des eaux ; l’État a cédé à la profession, regrette Estelle Le Guern, chargée de mission eau et agriculture au sein de l’ONG. Nous avons longuement attendu le programme national afin négocier les programmes régionaux, pour un résultat très décevant. » Plus précisément, sur le sujet du colza et du calendrier d’épandage, la chargée de mission indique que l’association souhaite vérifier qu’il ne s’agit pas « d’une régression du droit de l’environnement ».