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Révision de la directive pesticides, les Etats membres encore frileux

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Le Conseil agriculture de l’UE, tenu le 18 juillet 2022, a montré combien l’ensemble des Etats membres demeurent préoccupés par les objectifs de réduction des pesticides et les moyens d’y parvenir qui sont proposés dans le projet de règlement de la Commission européenne. La prise de parole de chaque ministre de l’agriculture a permis de lister les points autour desquels les négociations vont tourner au cours des deux prochaines années.

Lors du Conseil agriculture de l’UE du 18 juillet 2022, Marc Fesneau, ministre français chargé de l’ - © D.R.
Lors du Conseil agriculture de l’UE du 18 juillet 2022, Marc Fesneau, ministre français chargé de l’ - © D.R.

Le projet de règlement relatif à l’utilisation durable des pesticides, que la Commission européenne a dévoilé le 22 juin dernier, était à l’ordre du jour du Conseil agriculture de l’UE du 18 juillet. Si les ministres de l’agriculture de l’UE ont réaffirmé leur soutien aux objectifs du Pacte Vert et se sont dits prêts à s’engager vers une agriculture durable et responsable, ils n’en ont pas moins, tour à tour, fait valoir leurs nombreuses préoccupations relatives à la proposition de la Commission.

Sécurité alimentaire avant tout

La plupart des ministres de l’agriculture de l’UE ont encore mis en avant la nécessité d'évaluer, scientifiquement et économiquement, les impacts des mesures proposées afin de s’assurer que la compétitivité de l’agriculture européenne, ainsi que sa sécurité alimentaire, ne seraient pas remises en cause. L’étude d’impact globale est fortement attendue, notamment dans ce contexte de guerre en Ukraine.

De nombreux autres préoccupations ont également fait l’objet de consensus :

Le principe de subsidiarité : selon les Etats membres, le règlement ne prend pas encore assez en compte les spécificités agricoles des pays ; ils demandent à ce que les objectifs nationaux de réduction de pesticides intègrent les niveaux d’utilisation par hectare, les progrès déjà réalisés, les besoins de protection des cultures nationales en fonction des pressions de nuisibles dans le pays, des conditions géographiques et climatiques, etc.

Accroître la disponibilité d’alternatives : des efforts sont demandés pour soutenir et faciliter la mise en marché de produits alternatifs afin de ne pas laisser les agriculteurs sans solution.

Cas des zones sensibles : de nombreux Etats membres souhaitent redéfinir la notion de zones sensibles, dans lesquelles la Commission veut interdire tous les pesticides. Certains ministres refusent même cette interdiction, leur pays possèdant une grande partie de leur territoire en zone Natura 2000, avec des productions agricoles en leur sein.

Exigences vis-à-vis des pays tiers : comme l’a précisé, entre autres, Marc Fesneau, « nous n’atteindrons pas nos objectifs de réduction si les produits importés ne répondent pas à ces mêmes exigences ». La réciprocité des normes fait d’ailleurs l’unanimité en France, tant au sein de la profession agricole qu’au sein des ONG.

Charge administrative : le suivi de la réduction d’utilisation des pesticides ne doit pas engendrer de surcharge administrative.

Financement de la transition : plusieurs ministres se sont interrogés sur le financement par la Pac des efforts demandés aux agriculteurs, les PSN étant sur le point d’être finalisés. Le ministre français a par ailleurs demandé à ce que d’autres instruments accompagnent les agriculteurs.

Les discussions ne font que commencer

Stella Kyriakides, commissaire européenne chargée de la santé et de la sécurité alimentaire, a pris note de ces différentes préoccupations, et a fait remarquer que la proposition de règlement d’aujourd’hui ne va pas être mise en application demain : les discussions vont avoir lieu au sein du Parlement et du Conseil. Les négociations devraient en effet s’étaler sur deux ans. Mais elle a de nouveau insisté sur la nécessité d’aboutir à des objectifs ambitieux. « Business as usual n’est pas une option viable », a-t-elle affirmé, avant de répéter, comme elle l’avait fait le 30 juin 2022 devant les députés européens, que « nous ne pourrons pas assurer la sécurité alimentaire à long terme sans la durabilité ».

Enfin, pour répondre aux inquiétudes relatives à la prise en compte des spécificités des différents pays, Stella Kyriakides s’est engagée à partager avec chaque Etat membre, dès le début des discussions en septembre, le modèle mis en œuvre par la Commission pour aboutir aux objectifs nationaux de réduction.

La France souhaite davantage de concret sur le biocontrôle

Lors de son intervention, Marc Fesneau a fait valoir son souhait de voir une plus grande harmonisation des règles de procédures d’autorisation de mise sur le marché des substances actives et des règles d’accompagnement des agriculteurs. « Le recours à l’innovation et le déploiement de solutions de biocontrôle nous paraît être un des leviers majeurs de la réduction de l’utilisation et du risque associé au produit phytosanitaire, or la proposition de la Commission n’aborde pas cette question de manière assez concrète et opérationnelle », a-t-il ajouté. L’intégration d’une définition du biocontrôle dans la proposition de règlement est une première étape, mais le ministre de l’Agriculture français aimerait aller plus loin sur le plan de l’harmonisation du développement de ces spécialités alternatives.