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Fret ferroviaire, deux lignes en danger dans le Grand Est

Le | Cooperatives-negoces

En Champagne Ardenne, deux lignes capillaires desservant plusieurs coopératives et le négoce Soufflet sont menacées de fermeture par SNCF Réseau. Pourtant remises en état il y a quelques années, elles nécessitent désormais des investissements allant de 52 à 160 millions d’euros.

Fret ferroviaire, deux lignes en danger dans le Grand Est
Fret ferroviaire, deux lignes en danger dans le Grand Est

Les coopératives et négoces du Grand Est vont-ils pouvoir continuer à transporter leur collecte via le Fret ? La question se pose, alors que deux lignes de fret capillaire, longues de 70 et 77 kilomètres, pourraient fermer en 2022. Les lignes Oiry-Esternay et Coolus-Charmont desservent pourtant Soufflet, Vivescia, Scara, la coopérative d’Esternay, Cristal Union, Acolyance, Tereos et Novagrain, qui regroupe la coop de Champagne et Sézanne.

Pour maintenir leur activité, la SNCF a récemment annoncé des travaux de rénovation estimés entre 52 à 65 M€ pour une pérennité de cinq ans, de 71 à 82 M€ pour dix ans et de 160M€ pour quinze ans. Une facture jugée mirobolante, alors que l’État n’investit que 10 M€ par an pour la rénovation du fret capillaire français. D’autant que des investissements avaient déjà été faits entre 2015 et 2017.

Le fret capillaire : un intérêt écologique et logistique

Les OS, quant à eux, s’étaient engagés à assurer le financement de la maintenance des voies, en versant chaque année 2€ par tonne chargée, tout en respectant un seuil de tonnage prédéfini. En d’autres termes, si une structure charge moins que ce qui est prévu, elle doit tout de même s’acquitter du montant correspondant au tonnage d’origine.

“Ce seuil de 2 euros n’est pas compétitif pour les coopératives, indique Benoît Piètrement, président de l’union de coopératives Novagrain, président du pôle végétal et référent de ce dossier à la Coopération agricole Grand Est. L’intérêt est surtout écologique et logistique : certains de nos clients n’acceptent que des livraisons par train, et il est plus simple de charger un seul train que 40 ou 50 camions.” Car si les lignes, sur lesquelles circulent 600 kt par an, disparaissent, c’est autant de grains qui seront transportés par camion. Pour la ligne Coolus-Charmont, les 320 trains représentent 14 400 camions, et pour Oiry-Esternay, les 145 trains représentent 6 525 camions.

Des contraintes pour la circulation

La SNCF reproche aux coopératives et au négociant de ne pas atteindre le seuil défini de chargement, ce qui pourrait justifier la fermeture des voies. Mais selon Benoît Piètrement, ce seuil est difficile à atteindre pour des raisons techniques : “ Un seul train peut circuler sur toute la ligne : si une coopérative est en train de charger des wagons, au début de la voie, à 70 km de là, on ne peut pas exploiter les rails”.

Autre limite : la vitesse maximale autorisée,de 30 à 40 km/h, avec des secteurs limités à 20 km/h, justement parce que les équipements sont vétustes et ont été mal entretenus. Malgré ces précautions, la circulation sur les voies n’est possible que si la température extérieure est inférieure à 23°C, la chaleur induisant un risque de déformation des rails. Enfin, la SNCF peut décider à la dernière minute de l’annulation de la circulation d’un train. Difficile, dans ces conditions, de respecter le tonnage. “Sur la ligne Oiry-Esternay  deux coopérateurs sur cinq ne sont pas parvenus à respecter le seuil prévu”, regrette le président de Novagrain.

Une disparition globale du fret ferroviaire

“La situation est extrêmement décevante, confie-t-il. Les partenaires ont joué le jeu il y a cinq ans pour nous permettre d’exploiter ces lignes, et désormais, SNCF Réseau nous annonce des sommes colossales.” La situation politique ne facilite pas le projet, les élections départementales et régionales mettant en suspens tout engagement ou investissement de la part des élus. L’État s’est engagé à encourager les transports peu émetteurs de CO2, et a alloué 250 M€ du plan de relance à la rénovation du réseau de fret ferroviaire. Mais les demandes de financement sont nombreuses, tant les infrastructures ont été délaissées sur tout le territoire.

La région Grand-Est, et particulièrement la Champagne-Ardenne, sont dépendantes du fret pour le transport de marchandises, étant éloignées des ports. 25 lignes desservent la région, six en Alsace (47 km), huit en Lorraine (108 km) et onze en Champagne-Ardenne (328 km). Entre 2015 et 2020, 23 % du réseau a disparu, passant de 623 km à 483 km. Une tendance qui s’observe au niveau national : en 35 ans, le rail est passé de 30 % du transport de marchandises à 9 % seulement.

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